20 Minutes (Strasbourg)

La mère de Quentin, mort au nom de Daesh, raconte son calvaire dans un livre

Mère d’un djihadiste décédé, elle raconte son calvaire

- Propos recueillis par Vincent Vantighem

«Salaam alaikum… l’Etat bâti par le sang des martyrs. » C’est par ce message écrit reçu sur son téléphone que Véronique Roy a appris la mort de son fils, Quentin, le 14 janvier 2016. Un peu plus d’un an avant, ce jeune de 22 ans originaire de Sevran (Seine-Saint-Denis) avait rejoint les rangs de Daesh, quelque part entre la Syrie et l’Irak. Dans un livre* qui sort ce jeudi, cette mère décrit l’impossibil­ité, pour elle et son mari Thierry, de faire leur deuil. Un an après la mort de Quentin, vous ne disposez pas d’avis de décès. Quelles difficulté­s cela pose-t-il ? Pour l’administra­tion, Quentin n’est pas mort, mais « disparu ». On ne peut pas obtenir de certificat de décès qui nous permettrai­t, par exemple, de clôturer son compte en banque. Pour cela, nous avons, finalement, saisi un juge des tutelles. Nous sommes donc officielle­ment devenus les tuteurs de notre enfant. Les tuteurs d’un mort !

« Les gens pensent que l’on a une part de responsabi­lité. »

La justice, elle, a refusé votre constituti­on de partie civile. Comprenez-vous pourquoi ? Les juges partent du constat que les jeunes sont volontaire­s pour partir en Syrie. Leurs familles n’ont donc aucun droit à être partie civile. Je n’excuse pas ce qu’il a fait, mais je sais qu’il a été embrigadé. Le problème, c’est que nous n’avons pas accès au dossier judiciaire qui nous permettrai­t, peutêtre, de comprendre comment il s’est retrouvé là-bas et comment il est mort. La seule explicatio­n vous a été fournie par un djihadiste qui vous a dit qu’il était mort en martyr… La probabilit­é que ce soit vrai est plus grande que celle que ce soit faux, dans la mesure où nous n’avions plus de nouvelles de lui depuis deux mois. Si j’en parle dans le livre, c’est pour que les gens se rendent compte de la violence permanente dans laquelle on a vécu ça. Vous imaginez que c’est par ce message qu’on nous a annoncé la mort de notre fils ! Vous demandez aussi que le regard des gens change sur les parents tels que vous. Pourquoi ? Les gens considèren­t que l’on a une part de responsabi­lité dans ce que nos enfants ont fait. Ils se rassurent en se disant : « C’est de la faute des parents… », « C’étaient des gamins en perdition. » Mais non! Quentin a été manipulé. On n’y peut rien. On ne se sent pas coupable. Ce livre n’est pas une plainte, mais aujourd’hui, j’ai le sentiment que notre traumatism­e n’est pas reconnu.

* Quentin, qu’ont-ils fait de toi ? par Véronique Roy, avec l’aide du journalist­e Timothée Boutry, Robert Laffont, 288 p. (19 €).

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Pour Véronique Roy, « Quentin a été manipulé. On n’y peut rien. »

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