Le cas d’Alexandre, une nouvelle affaire Théo ?
La question est sur toutes les lèvres : la décision du tribunal correctionnel de Bobigny (Seine-Saint-Denis) a-t-elle été influencée par l’affaire Théo? C’est en tout cas une demande rare qu’a formulée, lundi, la présidente de la 14e chambre. D’une voix douce, mais ferme, elle a réclamé que les faits de violences policières dont est accusé Arnaud, un policier municipal de Drancy, soient requalifiés en viol. Un crime qui relève de la cour d’assises et non du tribunal correctionnel. Le soir du 29 octobre 2015, Alexandre avait été interpellé en état d’ébriété dans les rues de Drancy. Pour le contraindre à monter dans un véhicule de police afin de l’emmener au poste, deux policiers l’avaient tiré par les épaules tandis qu’un troisième lui avait asséné des coups de matraque télescopique au niveau des fesses. Deux certificats médicaux, établis le lendemain des faits, attestaient que le jeune homme souffrait d’une plaie anale de 1,5 cm ayant entraîné dix jours d’incapacité totale de travail. Le fait que la pénétration ait été établie a poussé la magistrate à demander la requalification des faits.
« Une première victoire »
Contrairement à l’affaire Théo, le parquet avait rapidement écarté, dans le cas d’Alexandre, « le caractère sexuel du geste », ne retenant que la qualification de « violences volontaires aggravées ». Lors de l’audience, le procureur avait estimé que le geste du policier municipal de 33 ans, ancien gendarme, avait certes une « connotation sexuelle », mais pas de « caractère sexuel ». Six mois de prison avec sursis avaient été requis à son encontre. « Je suis très satisfait de la décision du juge, c’est une première victoire, a timidement confié Alexandre, jeans clairs et blouson noir, à la sortie de l’audience, lundi. Je veux que ce policier soit puni pour ce qu’il m’a fait, j’en paie encore le prix. » Entouré de sa famille, le jeune homme, âgé de 29 ans aujourd’hui, assure être encore très affecté. Physiquement, d’abord. Les douleurs sont persistantes et il souffre toujours de « saignements ». Mais c’est psychologiquement que la douleur est la plus vive : il est en proie à des angoisses, des cauchemars et a des difficultés à reprendre une activité professionnelle. Le ministère public a désormais dix jours pour faire appel de la décision du tribunal correctionnel. S’il ne le fait pas, une information judiciaire sera ouverte et un juge d’instruction saisi. Ce sera lui qui, après enquête, déterminera si les actes subis par Alexandre relèvent du tribunal correctionnel ou des assises. Si les faits sont requalifiés en viol, le policier risque vingt ans de prison.