Ni une femme ni un homme, et toujours sans statut
Sa barbe est finement taillée, sa voix posée et son costume de bonne coupe. Mais il ne faut jamais se fier aux apparences. Gaëtan* n’est pas un homme. Pas plus qu’une femme d’ailleurs. Née, selon son médecin, « avec un vagin rudimentaire et un micropénis, mais pas de testicules », cette personne intersexuée de 65 ans va demander, ce mardi, à la Cour de cassation, de pouvoir apposer la mention « sexe : neutre » sur ses documents d’identité. Le tribunal de Tours (Indre-et-Loire) lui avait accordé ce droit en août 2015. Mais, craignant de « reconnaître [ainsi] l’existence d’une autre catégorie sexuelle », la cour d’appel d’Orléans (Loiret) a infirmé cette décision six mois plus tard. « J’aurais peut-être dû me déshabiller devant les juges, sourit-il aujourd’hui. Moi, quand je me regarde dans la glace, le soir ou le matin, je vois bien que les choses ne sont pas claires… »
200 bébés chaque année
Elles ne l’ont jamais été. Gaëtan le découvre à 12 ans, lorsque son père lui lâche : « Tu n’es pas normal et tu ne le seras jamais. Tu fais partie de la tératologie [la science des anomalies des êtres vivants]… » L’adolescence est cruelle. Ses muscles ne se développent pas, « Jusqu’àles gens l’université,le prennentje ressemblaispour une fille.à un enfant de 14 ans », raconte Gaëtan, qui offre aujourd’hui l’image de monsieur Tout-le-Monde.
« A 35 ans, j’ai accepté de prendre un traitement hormonal. C’était très violent. Mais j’ai fini par jouer le rôle d’un homme. » A fond. Dépourvu de la moindre libido, Gaëtan se marie tout de même et adopte un enfant. Il devient psychothérapeute pour soigner les autres autant que lui. Mais, en 2006, il tombe sur une étude de référence selon laquelle 1,7 % de la population mondiale est atteinte « d’ambiguïté sexuelle ». Deux cents bébés naîtraient chaque année en France avec ce type de malformations. Et, dès la naissance, ils subissent des interventions chirurgicales d’assignation sexuelle. Des « opérations mutilantes, juge Gaëtan, alors que je suis la preuve indubitable que l’on peut vivre très bien avec deux sexes. » Il suffirait que la société soit prête à le reconnaître. Selon nos informations, le conseiller rapporteur chargé d’examiner sa requête pour la Cour de cassation a préconisé son rejet.
* Le prénom a été changé.