La charmeuse de lecteurs
Ses mots restent tout en pudeur. Modestes. Le débit est calme, la voix légèrement éraillée. L’accent fleure bon les forêts d’érable. Andrée Michaud, 59 ans, venue du Québec, a raflé la semaine dernière le prix des lecteurs Quais du Polar/ 20 Minutes pour Bondrée (Rivages). Son regard, caché derrière ses lunettes, en dit long, bien plus que ses mots. Il y a de l’émotion et de la reconnaissance. Celle qui s’est « mise à écrire sur le tard », « influencée au départ par Marguerite Duras », a mis trente ans pour traverser l’Atlantique et percer en France. Au Québec, elle est pourtant loin d’être une inconnue. Elle a remporté deux fois le prix du Gouverneur général, une haute distinction littéraire au Canada. Le talent d’Andrée Michaud, c’est avant tout la force de la langue. C’est « une formidable créatrice d’atmosphère. Telle une sorcière, elle vous piège, analyse le romancier Hervé Le Corre. Elle vous jette un sort et vous envoûte littéralement. Ce n’est pas une charmeuse de serpents, mais une charmeuse de lecteurs. » Une comparaison qui fait sourire l’intéressée : « J’assume ce côté-là. » Sa potion magique? Sa source d’inspiration? « La nature », répond-elle immédiatement. « J’ai des images très marquantes en tête à partir desquelles l’histoire va se mettre en place. Je sais tout de suite que le roman est là. » « Elle peut passer une matinée entière à retravailler quelques phrases seulement », dévoile Alexandra Valiquette, qui travaille pour sa maison d’édition au Québec. Pour le plaisir indicible des lecteurs.