Tant de cerveaux disponibles
Les progrès de la science, de l’informatique en particulier, pourraient bien faire de la matière grise une cible de choix pour les hackers.
L’idée d’avoir un malware sur votre PC vous file des sueurs froides? Dans un futur pas si lointain, votre cerveau lui-même pourrait être la cible des hackers. Décoder les pensées, copier-coller l’esprit et même contrôler la conscience… On y est presque. Imaginons : vous êtes tranquilles, un casque de réalité virtuelle sur la tête, et un pirate en profite pour s’emparer de vos données bancaires. Ne rigolez pas trop vite, Facebook a annoncé lors de sa conférence F8, en avril, que sa division secrète Building 8 travaillait sur le décodage de la pensée dans la partie du cerveau qui héberge le langage, pour la transcrire sur ordinateur.
« On est loin de pouvoir décoder la pensée. » Nathanaël Jarrassé, chercheur à l’Isir
Le système, qui ne nécessite pas d’électrodes implantées, mais des « capteurs non invasifs », permet pour l’instant de « lire » des intentions motrices. Bientôt, on devrait pouvoir reconnaître ce qu’il se passe dans le cerveau quand on pense à un chiffre. « Mais on est encore assez loin de pouvoir décoder la pensée », rectifie Nathanaël Jarrassé, chercheur à l’Institut des systèmes intelligents et de robotique (Isir). Facebook affirme que sa technologie sera prête d’ici deux ans. Et Elon Musk (Tesla, SpaceX) le suivrait de près avec Neuralink : un implant cérébral communiquant directement avec un ordinateur. Et si vous mourez? Plutôt que de vous réincarner en otarie, rosier sauvage, ou crevette grise, vous vous pourriez réveiller… en disque dur (en gros). Le mind uploading (téléchargement de la conscience) permettrait à l’homme de vivre éternellement, mais qui dit cerveau numérique dit menace informatique, au même titre qu’un vulgaire ordi. Le programme européen Human Brain Project, à Lausanne, cherche à modéliser un cerveau artificiel en en scannant un, découpé en fines tranches. « On pourrait faire une cartographie de tous les neurones humains, mais on n’a pas encore la technologie pour le faire », insiste Nathanaël Jarrassé. Pour lui, ce serait plus facile de droguer les gens pour les pirater… La Ritaline, par exemple, très fréquemment prescrite aux Etats-Unis pour les enfants hyperactifs, développe les capacités de concentration. « On substitue aux efforts éducatifs l’idée que des molécules peuvent faire l’affaire, mais il y a des effets collatéraux, notamment la perte de l’initiative », observe Jean-Michel Besnier, professeur de philosophie à la Sorbonne. L’ère du piratage du cerveau annonce celle de l’industrie de la neuroprotection. Penserez-vous à bien vous protéger ?