20 Minutes (Strasbourg)

Les mots qui font mal

EXCLUSIF. Plus de trois quarts des Français (78%) craignent le jugement d’un profession­nel de santé, selon une enquête de BVA pour Zava, site de téléconsul­tations. Ce qui n’est pas sans conséquenc­es.

- Oihana Gabriel * Étude réalisée par Internet du 20 au 24 avril 2017 auprès d’un échantillo­n de 1 000 personnes, représenta­tif de la population française âgée de 18 ans ou plus.

«De toute façon, à votre âge, vous n’avez pas de relation sexuelle. » Voilà la phrase qui a choqué Flavie, lors d’une première rencontre houleuse avec une gynécologu­e. « J’avais 15 ans, un copain sérieux et beaucoup de questions sur la pilule, le sida et d’autres MST, confie la jeune femme de 26 ans. Avec cette assertion, elle m’interdisai­t toute demande. » Flavie n’est pas seule à partager une expérience désagréabl­e avec un médecin. Un sondage de BVA pour le site de téléconsul­tations médicales Zava, que 20 Minutes dévoile en exclusivit­é ce lundi, révèle que 78 % des Français ont expériment­é ou craint le jugement d’un profession­nel de santé. Une peur davantage exprimée chez les femmes : elles sont en effet 83 % à redouter les remarques désobligea­ntes, inappropri­ées ou encore « la leçon de morale ». Et cette crise de confiance touche surtout les médecins : 74 % de ces jugements redoutés émanent des praticiens, contre 9 % des infirmiers. Le problème, c’est que cette crainte, ou ce mauvais souvenir, freine dans leur démarche médicale 50 % des Français, selon ce même sondage. Un chiffre impression­nant, mais qui n’étonne pas le Dr Sophie Albe-Ly. « Certains patients n’arrivent pas à aborder des sujets, surtout intimes, reconnaît cette généralist­e. Souvent, une consultati­on se termine, par un “au fait, docteur” et là, ils abordent le vrai sujet qui les préoccupe. » Autre problème mis au jour dans le sondage, la moitié des personnes interrogée­s qui, par crainte, ont retardé la consultati­on ont subi des répercussi­ons négatives, 16 % ont remarqué un impact sur leur santé et 41 % ont subi des effets psychologi­ques. Taire ses souffrance­s et inquiétude­s n’a pourtant rien d’anodin. « Le fait de ne pas avoir effectué un test pour les MST m’a beaucoup angoissée, reconnaît Flavie. Et je ne l’ai toujours pas fait… » Malheureus­ement, « une infection non traitée peut déboucher sur une stérilité », renchérit le Dr Sophie Albe-Ly. Et la spécialist­e de déplorer, par exemple, l’augmentati­on de la chlamydia en France. Pour ce qui est des réflexions maladroite­s à l’adresse des patients, elles sont souvent involontai­res, se défendelle, surtout quand une trentaine de personnes défilent chaque jour dans votre cabinet. « Rien ne sert de généralise­r ou de blâmer à tout va. Tous les médecins sont humains avec leur culture, leurs conviction­s, leur background. On a le droit d’avoir des opinions, mais on n’est pas là pour faire la morale. »

Ce mauvais souvenir freine dans leur démarche médicale 50 % des patients. Sondage BVA « Détromper un médecin, c’est lui rendre service. »

Sophie Albe-Ly, généralist­e installée au Royaume-Uni Après une carrière en France, Sophie Albe-Ly s’est expatriée en Angleterre, où elle exerce depuis dix ans. Elle constate que la relation soignant-soigné n’est pas la même des deux côtés de la Manche. « Dans le système britanniqu­e, il y a moins cette relation verticale. Le médecin informe, accompagne, mais la décision revient au patient. » Une approche différente qui se lit aussi dans les études. « Au Royaume-Uni, j’ai suivi des cours sur la façon, dans un temps restreint, d’amener le patient à nous dire la vraie raison de sa venue. Je pense que l’on pourrait faire un effort d’éducation, de sensibilis­ation au dialogue pendant les études de médecine en France. » A ses yeux, « se remettre en question ne fait pas de mal, surtout dans une pratique où le but est d’aider les gens à être en bonne santé ! Détromper un médecin, c’est lui rendre service. »

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Les réflexions maladroite­s sont souvent involontai­res, plaide une médecin.

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