20 Minutes (Strasbourg)

Un rescapé du Bataclan raconte son histoire

L’écrivain, rescapé du Bataclan, évoque « Le Livre que je ne voulais pas écrire »

- Propos recueillis par Laure Beaudonnet

«Il m’est arrivé une mésaventur­e, devenue une tuile pour le romancier qui partage ma vie », écrit-il. Erwan Larher, blessé par balles au Bataclan le 13 novembre 2015, raconte son histoire et celle de ses proches dans Le Livre que je ne voulais pas écrire (Quidam éditeur), paru le 24 août. Il se confie à 20 Minutes.

Votre roman se nomme Le Livre que je ne voulais pas écrire. Etesvous content d’avoir fini par le faire ? Je suis fier d’avoir réussi à l’écrire, pas forcément pour la qualité de l’oeuvre, mais de l’avoir fait. Je n’ai aucun recul sur sa qualité d’oeuvre littéraire. Comment l’expliquez-vous ? Pour la première fois, je pars d’un matériau qui est ma vie. Vous utilisez souvent l’humour, mais vous donnez l’impression de vous soupçonner d’être mauvais. Pourquoi portez-vous un regard si sévère sur vous-même ? Pendant des années, j’ai été inconscien­t de moi-même. J’étais tellement autocentré que je ne me posais aucune question sur moi. Heureuseme­nt, des gens et des expérience­s dans la vie m’ont réveillé. Sachant que je n’ai pas été un mec super, je me méfie de moi. Ça permet aussi de dégonfler l’ego. Je pense à la scène où vous êtes sur le brancard et vous vous demandez si vous êtes télégéniqu­e… On est tous des êtres paradoxaux. En effet, au moment où je suis sorti dans la rue sur mon brancard, je me suis demandé : « Est-ce que je suis bien pour les télés ? » C’est moche. Je n’ai pas essayé de m’épargner, j’ai voulu être honnête. Vous avez changé les noms des assaillant­s du Bataclan. Pourquoi ? Ce n’est pas un témoignage. Leur donner ces noms, c’est les dépersonna­liser. C’est une re-création. J’étais couché au sol, je n’ai rien vu. Tout ce que j’écris de cette partie de l’assaut, je ne l’ai pas vécue, je ne l’ai pas vue. D’ailleurs, on retient surtout la personne qui vous agrippe la jambe, alors que vous êtes à terre… J’espère que je la retrouvera­i, celle-là. Ce serait chouette. Grâce à vous, quelqu’un pourrait dire : « J’ai lu 20 Minutes, et c’est moi. » On sent le tirailleme­nt dans votre livre, la difficulté d’écrire. Votre roman a-t-il eu un effet cathartiqu­e ? Je fais un truc qui, j’espère, s’appelle de la littératur­e. Ce n’était pas une démarche cathartiqu­e. Quand j’ai compris qu’écrire à partir de ce matériau, ce n’était pas faire du nombrilism­e car tout le monde avait été touché par cette histoire, je me suis dit : « OK, tu peux continuer. »

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Le romancier a été blessé par balles au niveau de la hanche lors de l’attentat.

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