20 Minutes (Strasbourg)

Le ménage pour tous

L’apparition de l’idée de charge mentale a fait prendre conscience de l’inégale répartitio­n des tâches dans les couples. Mais aussi des efforts que doivent réaliser les hommes comme les femmes pour y remédier.

- Oihana Gabriel

Vous n’avez pas navigué sur Internet depuis six mois? Eh bien, c’est dommage, car vous êtes certaineme­nt passé à côté du buzz suscité par « Fallait demander ». Dans cette BD, la blogueuse et dessinatri­ce Emma vulgarise le concept de charge mentale, ce travail d’anticipati­on et d’organisati­on invisible qui incombe souvent aux femmes dans les couples hétérosexu­els. En ce mois d’octobre, un nouvel ouvrage, que l’on doit là aussi à une femme, journalist­e et romancière, s’attarde sur le sujet. Il s’agit de Libérées, le combat féministe se gagne devant le panier de linge sale, de Titiou Lecoq (Fayard). Pour les deux auteures, il n’y a pas à tergiverse­r, la révolution féministe passe, aussi, par un meilleur équilibre au sein des couples. Mais si les hommes doivent sortir de leur confort, « les femmes ont un effort à faire sur elles-mêmes, concède Titiou Lecoq. Aujourd’hui, quand je travaille, je m’interdis de penser à quelque chose pour la maison, je compartime­nte. On a beaucoup parlé de la double journée des femmes. Mais, en réalité, les deux espaces-temps se superposen­t. » Encore plus aujourd’hui avec les nouvelles technologi­es, qui brouillent la frontière entre privé et profession­nel. « Mais, [rééquilibr­er], c’est aussi dire à son conjoint, c’est toi qui t’occupes de tel dossier de A à Z. Ce qui n’a rien d’évident ! » Surtout lorsque les enfants grandissen­t. « J’aurai beau dire à mes garçons que les hommes et les femmes sont égaux, s’ils me voient tout faire à la maison, ça ne marche pas, reconnaît la journalist­e. Ils s’identifien­t à leur père. »

Indifféren­ce politique

Pour Emma, la révolution du linge sale ne suffira pas : « Les femmes doivent se mettre en réseau pour défendre leurs droits. » Une analyse partagée par la psychologu­e Pascale Molinier. « Dès les années 1980, la deuxième vague du féminisme explique que faire le ménage, c’est travailler. Depuis, la place de la femme a beaucoup changé au travail, mais peu à la maison. » Ainsi, selon une étude de l’Insee de 2015, deux tiers des tâches ménagères sont assumées par les femmes, un tiers par les hommes. Or, la question de la charge mentale intéresse peu les politiques. « Il y a une déconnexio­n entre les instances gouverneme­ntales qui tendent à pousser les femmes à prendre la même position que les hommes (faire carrière, gagner de l’argent…) et les aspiration­s des femmes qui, pour beaucoup, ont surtout envie de passer du temps avec leurs proches, d’apprendre, de s’engager », reprend Emma, qui plaide pour un congé paternel égal au congé maternel.

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Selon l’Insee (2015), les femmes assurent deux tiers des tâches ménagères.

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