Le plus Bure a déjà commencé
Ne pas être claustrophobe, se munir d’un masque à oxygène, conserver le téléphone censé vous géolocaliser. On ne plonge pas à 500 m sous terre sans quelques précautions. Après cinq minutes de descente, les portes de l’ascenseur s’ouvrent sur une galerie éclairée par des néons blancs et parsemée de câbles et de tuyaux en tout genre. Bienvenue à Cigéo, le centre industriel de stockage géologique de Bure, dans la Meuse. C’est ici que la France, via l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), souhaite, si l’Autorité de la sûreté nucléaire rend un avis définitif positif sur la question, commencer, à partir de 2030, à enterrer ses déchets radioactifs les plus dangereux. En l’occurrence les MA-VL (moyenne activité vie longue, 75000 m3) et les HA-VL (haute activité vie longue, 10000 m3), qui proviennent du traitement des combustibles des centrales nucléaires. « 60 % des premiers et 30 % des seconds existent déjà », annonce Mathieu Saint-Louis, porte-parole de l’Andra. Ils sont entreposés à l’usine de retraitement de La Hague (Manche) ou sur les sites du Commissariat à l’énergie atomique de Marcoule (Gard) et de Cadarache (Bouche-du-Rhône). Des entrepôts de béton et de métaux, qui subiront l’usure du temps, et qui sont construits en surface, a fortiori peu sûrs face à un acte terroriste, jugent les associations antinucléaire.
Une solution définitive ?
Pour l’instant, les installations creusées à Bure (qui continuent de s’agrandir) ne sont que le laboratoire où sont testées la robustesse et la viabilité du projet. Projet qui se veut une solution définitive au stockage des déchets. Acheminés par train, puis conditionnés en colis vitrifiés, ils seront glissés dans des alvéoles. En cas de fuite, ils se retrouveraient emprisonnés dans la couche d’argile où ils auraient beaucoup de mal à se déplacer, selon Mathieu SaintLouis : « L’eau y circule très lentement et, si la roche est parsemée de trous, ils ne sont pas connectés les uns aux autres. » Là est le pari de l’Andra : coincer ces déchets suffisamment de millénaires pour qu’ils y perdent l’essentiel de leur radioactivité. Ce qui est loin de convaincre les antinucléaire, dont l’opposition se manifeste par une vitre brisée de la cantine de l’Andra ou des autocollants « Stop Bure » apposés ici et là. Ils ne sont pas les seuls à douter : jeudi, Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique, a estimé que Cigéo n’était « pas une solution entièrement satisfaisante », même si elle est « la moins mauvaise ».