Une détermination à toute épreuve
Dans les cuisines du self du Ritz Paris, Benjamin Ebaah, 52 ans, deuxième commis de cuisine, s’active tranquillement. Ses gestes sont sûrs tandis qu’il dispose les aliments sur les plats qui vont être servis aux quelque 300 à 400 employés du prestigieux hôtel. Pourtant, même avec ses lunettes spéciales qui éclaircissent sa vision, il peine à voir plus loin qu’à un mètre. Cela n’a toutefois pas l’air de perturber son quotidien. « Pour mettre le four en marche, il faut vraiment avoir une vue claire, pour programmer les secondes,
« Je me disais : “Moi, un handicapé, je peux aller travailler là-bas ?” » Benjamin Ebaah, commis
les heures », mais à part cela, peu de missions restent hors de sa portée. « Je fais le même travail que les autres commis. Certains sont plus expérimentés et ont donc plus de tâches. » Cela fait presque un an que le Camerounais d’origine travaille dans la restauration. Avant cela, il a exercé plus d’une profession, en luttant contre un handicap grandissant. Ses problèmes de vue apparaissent dans les années 1990, mais il doit attendre 2004 et son arrivée en France pour mettre un nom sur son mal : la maladie de Stargardt, incurable et progressive. « Mais le docteur a dit que je ne devais pas avoir peur, ils vont trouver une alternative avant que je sois aveugle », assure-t-il. Après avoir été vérificateur de produits dans une « société de commercialisation de produits de base au Cameroun », il devient magasinier dans une entreprise d’import-export. « Vous ne pouvez pas travailler dans ce domaine si vous ne voyez pas, donc j’ai dû partir. » Rebelote après dix-huit mois dans une société de nettoyage. Déterminé, Benjamin Ebaah se fait guider par le syndicat de l’hôtellerie GNI-Synhorcat et par Cap emploi (le Pôle emploi pour les personnes handicapées), jusqu’à une formation à l’Ecole hôtelière de Paris – CFA Médéric. Après des entretiens dans plusieurs grands hôtels, il finit par choisir le Ritz Paris, en décembre dernier. « C’est très prestigieux, je me disais : "Moi, un handicapé, je peux aller travailler là-bas ?" ». Il le prouve tous les jours depuis.