20 Minutes (Strasbourg)

Une déterminat­ion à toute épreuve

- Thomas Weill

Dans les cuisines du self du Ritz Paris, Benjamin Ebaah, 52 ans, deuxième commis de cuisine, s’active tranquille­ment. Ses gestes sont sûrs tandis qu’il dispose les aliments sur les plats qui vont être servis aux quelque 300 à 400 employés du prestigieu­x hôtel. Pourtant, même avec ses lunettes spéciales qui éclairciss­ent sa vision, il peine à voir plus loin qu’à un mètre. Cela n’a toutefois pas l’air de perturber son quotidien. « Pour mettre le four en marche, il faut vraiment avoir une vue claire, pour programmer les secondes,

« Je me disais : “Moi, un handicapé, je peux aller travailler là-bas ?” » Benjamin Ebaah, commis

les heures », mais à part cela, peu de missions restent hors de sa portée. « Je fais le même travail que les autres commis. Certains sont plus expériment­és et ont donc plus de tâches. » Cela fait presque un an que le Camerounai­s d’origine travaille dans la restaurati­on. Avant cela, il a exercé plus d’une profession, en luttant contre un handicap grandissan­t. Ses problèmes de vue apparaisse­nt dans les années 1990, mais il doit attendre 2004 et son arrivée en France pour mettre un nom sur son mal : la maladie de Stargardt, incurable et progressiv­e. « Mais le docteur a dit que je ne devais pas avoir peur, ils vont trouver une alternativ­e avant que je sois aveugle », assure-t-il. Après avoir été vérificate­ur de produits dans une « société de commercial­isation de produits de base au Cameroun », il devient magasinier dans une entreprise d’import-export. « Vous ne pouvez pas travailler dans ce domaine si vous ne voyez pas, donc j’ai dû partir. » Rebelote après dix-huit mois dans une société de nettoyage. Déterminé, Benjamin Ebaah se fait guider par le syndicat de l’hôtellerie GNI-Synhorcat et par Cap emploi (le Pôle emploi pour les personnes handicapée­s), jusqu’à une formation à l’Ecole hôtelière de Paris – CFA Médéric. Après des entretiens dans plusieurs grands hôtels, il finit par choisir le Ritz Paris, en décembre dernier. « C’est très prestigieu­x, je me disais : "Moi, un handicapé, je peux aller travailler là-bas ?" ». Il le prouve tous les jours depuis.

 ??  ?? Benjamin Ebaah, 52 ans, est malvoyant. Il souffre de la maladie de Stargardt, incurable et progressiv­e.
Benjamin Ebaah, 52 ans, est malvoyant. Il souffre de la maladie de Stargardt, incurable et progressiv­e.

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