La lutte contre l’esclavage domestique rencontre bien des obstacles en France
Leila* avait 13 ans lorsqu’elle est arrivée en France. « On avait promis à son papa, issu d’un milieu très pauvre au Mali, une scolarisation pour sa fille », raconte son avocate, Juliette Vogel. Mais l’adolescente n’ira jamais au collège. Hébergée par une connaissance familiale installée à Châtenay-Malabry (Hauts-de-Seine), elle a été réduite à la servitude domestique pendant cinq ans, entre 2000 et 2005. « Elle travaillait jusqu’à dix-huit heures par jour, n’a jamais été rémunérée et ses papiers d’identité lui ont été confisqués, commence Juliette Vogel. Elle s’occupait de l’entretien du foyer, qui pouvait compter jusqu’à neuf personnes, et sortait uniquement pour aller chercher les enfants à l’école ou faire les courses. Elle dormait sur un matelas à même le sol et subissait régulièrement des violences physiques et psychiques. » A deux reprises, des voisins font un signalement à la police, en vain. En 2006, elle parvient finalement à fuir grâce aux conseils d’un jeune homme rencontré lors d’un cours d’alphabétisation concédé par sa « logeuse ».
« Mieux former les juges »
Epaulée par le Comité contre l’esclavage moderne (CCEM), Leila dépose plainte le 25 octobre 2006 pour rétribution inexistante, soumission d’une personne vulnérable à des conditions de travail et d’hébergement contraires à la dignité humaine, abus de la situation de faiblesse d’un mineur, aide à l’entrée et au séjour irrégulier d’un étranger et travail dissimulé. La première étape d’un interminable processus judiciaire. Le combat de Leila a en effet duré douze ans. Il a été marqué par une ordonnance de non-lieu et deux pourvois en cassation avant d’aboutir au renvoi de cette affaire devant le tribunal correctionnel de Nanterre. Le procès de celle qui l’a exploitée doit s’ouvrir ce lundi. Aujourd’hui âgée de 32 ans et mère de deux enfants, Leila attend beaucoup de cette audience. « Cette situation a laissé des traces, au-delà des cicatrices sur son corps », souligne Juliette Vogel. Et cette dernière de déplorer « les difficultés de la justice à appréhender ces dossiers » : « C’est très souvent la parole de l’un contre la parole de l’autre. Mais, sur ce sujet-là, comme pour l’exploitation sexuelle, il faut une meilleure formation de certains magistrats instructeurs. Ils ont parfois du mal à accepter que cela puisse exister chez nous, en France. Pourtant c’est le cas. » * Le prénom a été changé.