Sur les pistes, la parité n’est pas toujours de mise
Les contrats de sponsoring varient selon le sexe des athlètes
Perrine Laffont et Pierre Vaultier ont quitté la Corée du Sud avec le même métal autour du cou et la même somme dans le portefeuille. Une médaille d’or, c’est 50 000 € de la part du ministère des Sports. L’olympisme a tous les défauts du monde, mais pas celui-là : les filles gagnent autant que les garçons. Enfin presque. « J’ai connu l’époque où, quand on remportait une compète, on repartait avec un sac à dos et les mecs avec de l’argent », sourit la skieuse halfpipe Marie Martinod, 33 ans, médaillée d’argent mardi aux Jeux. Ça a été un peu long, mais c’était de la discussion plus qu’un combat. Pour les organisateurs, c’était acquis. Ils disaient : “Les filles font des choses moins exceptionnelles” ou encore “elles sont moins nombreuses en lice.” » Dans ce petit milieu où tout le monde est copain, les négociations se font entre potes, au bar ou au petit dej. La snowboardeuse Anne-Flore Marxer a entendu les mêmes arguments de la part de son coloc, qui était alors un des responsables du circuit : « Pour augmenter le niveau, il faut que la championne du monde ne soit pas juste la plus riche, celle qui a pu se payer le voyage pour aller à la compétition ! Parce que les billets d’avion ne sont pas moins chers pour nous… » Sur les disciplines régies par la Fédération internationale de ski (FIS), les prize money sont désormais les mêmes pour les filles et les garçons. Une heureuse exception envisagée, claire- ment, comme un moyen de satis- faire le Comité international olympique. Car, sans parité, impossible d’obtenir de nouvelles épreuves aux JO. La FIS a vite compris son intérêt dans l’affaire. Conséquence : l’Américaine Mikaela Shiffrin est l’athlète qui a touché le plus de primes en compétition (500 000 € selon Sportune) en ski alpin, lors de l’année 2017. A Pyeongchang, il y a 42 % de femmes parmi l’ensemble des participants. Un record, mais des progrès à faire : certains organisateurs réévaluent les dotations des hommes, apprenait-on en 2012, et les prize money ne constituent qu’une petite partie des revenus d’un skieur. Les saisons, très coûteuses, avec beaucoup d’étapes de Coupe du monde à l’étranger, sont financées par des contrats de sponsoring à l’année. Et l’argent versé n’est pas le même selon votre sexe. « Je ne me plains pas, explique Tess Ledeux (16 ans), championne du monde de slopestyle. J’arrive à gérer ma saison, mais j’ai moins qu’un garçon. » Sa coéquipière Lou Barin abonde dans le même sens : « Au début, les garçons galèrent plus à trouver des sponsors, parce qu’ils sont plus nombreux. Mais dès qu’ils sont en Coupe du monde, ça va plus vite. Pour les filles, avoir un contrat avec une entreprise qui finance la saison, c’est vraiment très compliqué. » Interrogée sur le sujet, Marie Martinod préfère en rire. « Si j’étais un gars, ma maison serait payée, je n’aurais pas de prêt à la banque ! » Trois témoignages qui relèvent du « fantasme », selon leur entraîneur. « Elles ont tort de penser qu’ils gagnent plus », insiste-t-il. On aurait bien aimé lui prouver le contraire, mais les contrats de sponsoring sont protégés par des clauses de confidentialité.
« Si j’étais un gars, ma maison serait payée, je n’aurais pas de prêt ! » Marie Martinod