20 Minutes (Strasbourg)

La mort, passage nécessaire, mais pas sans risque

L’enjeu narratif peut se résumer à la disparitio­n d’un personnage

- Vincent Julé

Et un de plus! Un autre héros de « The Walking Dead » est mort dimanche, lors du retour de la saison 8. Une surprise? Pas trop, non, puisque tuer ses personnage­s les uns après les autres est devenu quasiment l’unique manière d’exister de la série. Elle n’est toutefois pas la seule à user (et abuser) de ce ressort narratif : « Game of Thrones » ou encore « Urgences » et « Grey’s Anatomy » affichent elles aussi un taux de mortalité record. Les années 1980 ont vu des séries comme « Hôpital St Elsewhere » jouer avec la disparitio­n de leurs personnage­s, mais « selon une logique narrative, et non contractue­lle », indique Vladimir Lifschutz, auteur de This is the

end – Finir une série (Presses universita­ires François-Rabelais). Plus tard, « la mort d’un personnage est devenue simple, pragmatiqu­e. Elle était due au départ d’un acteur qui n’avait pas forcément envie de s’éterniser à la télévision et souhaitait basculer vers le cinéma pour y faire carrière. » Mais elle était aussi l’occasion pour les auteurs de créer de l’émotion, et donc un lien très fort avec le spectateur. Le mort peut d’ailleurs continuer à exister dans la série, à travers les autres personnage­s. C’est tout l’enjeu autour de Jack dans « This Is Us », et l’une des raisons de son succès.

Un manque de créativité ?

« Avant, le contrat tacite entre la série et le public était plutôt rassurant : “Viens te mettre au chaud devant la télé et retrouver tes héros chaque semaine”, éclaire Vladimir Lifschutz. Mais il a évolué : avec la multiplica­tion des chaînes et des supports de diffusion, il faut que les séries se démarquent et créent toujours la surprise. » Jusqu’à l’excès, l’artifice ? « “The Walking Dead” semble avoir rompu l’équilibre, lance l’auteur de This

is the end - Finir une série. Les mises à mort se répètent à l’infini, leur mise en scène aussi, avec un surgisseme­nt de la violence, une volonté de choquer. On peut y voir un manque de créativité, mais, surtout, le spectateur n’a pas le temps de faire son deuil. » On se souvient tous du massacre de Negan, et de son suspense morbide, en début de saison 7. Les auteurs ont peut-être entendu la colère et la frustratio­n des fans, car l’épisode de dimanche – ATTENTION SPOILER – portait moins sur le décès de Carl que sur ses adieux. « La mort par morsure implique un temps de flottement, de transforma­tion, et de deuil pour les autres personnage­s et pour les spectateur­s », explique Vladimir Lifschutz. Ce n’est pas un hasard si la fin d’une série marque aussi souvent celle de son héros : « C’est à la fois l’émotion à son paroxysme, et l’occasion de faire le deuil de la série et de son univers. D’ailleurs, les héros peuvent “partir”, soit mourir, mais aussi partir, géographiq­uement. La série amène le spectateur à faire sa catharsis, et à passer à autre chose. » A une autre série?

 ??  ?? « The Walkind Dead » a épargné son héros Rick. Jusqu’à présent...
« The Walkind Dead » a épargné son héros Rick. Jusqu’à présent...

Newspapers in French

Newspapers from France