20 Minutes (Strasbourg)

Hors cadres

Ni vraiment rappeur ni vraiment chanteur, homosexuel refusant l’étiquette d’icône gay, l’artiste se confie à l’occasion de la sortie de son album « Cure ».

- Fabien Randanne

«E st-ce que j’ai peur d’être l’artiste de passage? Un peu, peut-être. Mais c’est déjà mieux que d’être celui d’un single. » Eddy de Pretto sourit, installé sur la banquette d’un bistrot parisien où il fait une halte, au milieu d’une journée surchargée en interviews. Quelque chose nous dit cependant que cet artiste-là ne fera pas que passer. De la sortie de son EP, Kid, en octobre, à sa nomination parmi les révélation­s scène aux Victoires de la musique, il est, à 24 ans, rapidement entré dans les radars médiatique­s et les playlists du public. Son physique atypique s’imprime dans les regards quand ses mots caressent autant qu’ils claquent les tympans. Ses influences se baladent de Barbara et Nougaro – qu’écoutait sa mère – à Diam’s et Booba – qui rythmaient le temps passé avec ses potes dans son quartier de Créteil (Val-de-Marne). Sa musique navigue entre rap et chanson française, quitte à perturber ceux qui aimeraient lui accoler une étiquette.

Prose cinglante

Il publie ce vendredi son premier album, Cure. « J’aime bien ce mot, parce qu’il n’est pas joli, il titille un peu l’oreille, explique-t-il. Cet album écorche un peu. Il a été fait sans pudeur, sans censure, de manière très sincère et, parfois, il peut mettre un peu le malaise. » On pense immédiatem­ent à « Mamère ». Un morceau empreint d’une affection sourde, cachée sous une prose cinglante adressée à celle qu’il promet d’appeler un jour « maman ». « Je ne cherche pas à savoir ce que mes parents pensent de mon travail, confie-t-il. S’ils détestent ce que je fais, c’est que j’aurai touché une certaine réalité, ce qui me plaît parce que je pense qu’ils n’ont pas envie de cette impudeur. » Au fil des morceaux, le fils prodige déplie des bouts d’intimité. « Il faut que quelque chose puisse me remuer à l’intérieur pour ressortir sur le papier, raconte-t-il. J’ai besoin de vécu. » Il évoque ses « amants de passage », ses palpitatio­ns et désillusio­ns sentimenta­les. « Je ne parle pas de mon homosexual­ité, je raconte mes histoires qui, certes, sont des histoires homosexuel­les. Pour Damso, c’est Sabrina ; pour moi, c’est Jimmy », lance-t-il. Son orientatio­n sexuelle n’est pas un sujet : « Je n’ai pas fait Cure en me disant que ça allait être un album LGBT, aux couleurs du drapeau gay et le mettre en avant. » S’il y a un mystère Eddy de Pretto, « Desmurs » est peut-être le morceau qui permet de mieux le cerner. « J’ai grandi dans l’attitude où l’on fait style avec ses doigts. C’est de là tout mon côté rude, ma carapace sur ce minois », chante-t-il. « J’ai joué toute ma jeunesse à être le caïd. J’ai dû me forger comme ça », précise-t-il. Et, alors que bien des artistes se composent un personnage pour entrer en scène, lui ferait presque l’inverse. « La scène, c’est l’endroit où tu es protégé. J’enlève tous les masques, je raconte cette vérité… enfin, que j’ai dû dissimuler. » C’est sa cure à lui.

« J’ai joué toute ma jeunesse à être le caïd. J’ai dû me forger comme ça. »

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L’artiste, dont la musique navigue entre rap et chanson française, faisait partie des nommés dans la catégorie «révélation scène» des Victoires de la musique.

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