On a tous quelque chose en nous de Néandertal
Une exposition permet de changer de regard sur ce lointain cousin
Une peau de bête pour costume, une massue pour accessoire et une tête velue de crétin : la représentation commune de l’homme de Néandertal n’a jamais rien eu de flatteur. Heureusement pour les esprits curieux, l’exposition « Néandertal », qui ouvre ses portes ce mercredi au musée de l’Homme (Paris, 16e), s’attache à démonter certains clichés et révéler les mystères de cet homme disparu il y a 28 000 ans. Néandertal (en tout cas ses premiers ossements) « a été découvert trop tôt, en 1856, en Allemagne, en pleine période de catholicisme triomphant et de classification des races, situe Pascal Depaepe, préhistorien et commissaire de l’exposition. Bien avant Darwin et sa théorie de l’évolution. » Dans ce contexte, Néandertal est vite placé dans la catégorie des sous-hommes. « Une mythologie caricaturale s’est bâtie autour de lui : on parle alors d’hommesinge, de benêt bas du front. »
Agile, sensible, écolo
Pourtant, au fil de l’exposition, le visiteur découvre un mobilier archéologique d’une rare richesse. « Il y a des outils, des couteaux, des silex jusqu’alors jamais exposés au public, annonce Pascal Depaepe. Néandertal était très agile, très conscient de son environnement. » Longtemps décrit comme un charognard, « il avait en réalité une alimentation très variée et était un grand chasseur », corrige la préhistorienne Marylène Patou-Mathis, également commissaire de l’événement. L’exposition démontre aussi que Néandertal n’était pas une brute tapie dans sa grotte. « Des fouilles ont révélé qu’il savait soigner des fractures, maîtriser les plantes médicinales, s’occuper de membres du clan qui étaient dépendants », expose Pascal Depaepe. Et « il enterrait ses morts. Il avait donc des rites funéraires et était doté de pensées métaphysiques, complète Marylène Patou-Mathis. Cela témoigne d’une grande humanité, une forme différente, mais à la fois proche de la nôtre. » Longtemps moqué, Néandertal est progressivement réhabilité, peutêtre parce que nous ne sommes pas si éloignés de lui. En 2010, une publication dans la revue Nature a permis de changer de regard sur lui, rapporte Marylène Patou-Mathis. « Une équipe de chercheurs a étudié des os de Néandertaliens retrouvés dans la grotte de Vindija, en Croatie, et a découvert que, nous, les Eurasiens, avons hérité de quelques gènes de Néandertaliens. » Un Caucasien pourrait donc avoir entre 1,5 et 4 % d’ADN néandertalien. « Comparé à Homo sapiens qui détruit la nature, tue les animaux et fait la guerre, Néandertal s’inscrit dans un mythe nouveau du pacifiste respectueux de la nature », souligne Marylène Patou-Mathis. Une sorte d’« Homo bobo » ?