20 Minutes (Strasbourg)

Des espèces s’incrustent

A l’image de l’ouette d’Egypte, les espèces invasives sont l’un des premiers facteurs de perte de biodiversi­té dans le monde. La France commence à prendre la menace au sérieux.

- Bruno Poussard

Si vous êtes souvent à vélo, vous en avez probableme­nt déjà vu, au bord d’un canal. Car l’ouette d’Egypte aime particuliè­rement l’eau douce. Originaire d’Afrique subsaharie­nne, ce gros oiseau entre l’oie et le canard a été introduit en Angleterre puis Allemagne dès le XVIIe siècle. Depuis plus de deux décennies, il est arrivé dans l’est de la France. En Alsace, la Ligue de protection des oiseaux (LPO) reçoit quelques appels au sujet de cette ouette d’Egypte, beige sur le ventre, plus foncée sur le dos et marquée par une tache au niveau de l’oeil. « Comme elle n’a pas de véritable prédateur, elle se développe au détriment d’autres espèces », décrit Christian Braun, directeur de la LPO. Comme d’autres espèces exotiques envahissan­tes, l’agressive ouette d’Egypte n’aime pas voir d’autres oiseaux s’approcher de son territoire à la période de nidificati­on. En les empêchant de nicher, au mieux. En piquant leur nid, sinon. En faisant tomber un oeuf, en noyant ou encore en assommant un caneton, au pire. « Il y a trois ou quatre ans, l’une avait pris et jetés les oeufs d’un couple de milans noirs », ajoute Christian Braun. Selon les plus récents comptages (2016), il y aurait aujourd’hui moins de 150 couples en Alsace, contre six en 2000. « Comme les espaces humides sont déjà en régression, elle pourrait également interférer auprès des espèces en situation précaire », reprend Christian Braun. Sans être alarmistes, les associatio­ns s’interrogen­t sur son évolution et son impact sur la biodiversi­té. En réaction, depuis 2009-2010, des arrêtés préfectora­ux « fixant la destructio­n à tir » ont été pris, comme dans le HautRhin, pour autoriser à chasser l’ouette d’Egypte. Avec une efficacité sûrement mesurée. Peu populaire auprès des chasseurs, cette belle espèce l’était en revanche auprès des acheteurs. Mais depuis le 14 février 2018, elle n’est plus commercial­isable en France. Une régulation rendue possible par son entrée en 2016 sur la liste européenne d’espèces envahissan­tes, pour prévenir d’autres introducti­ons. Mais pour la LPO, elle réussira quoi qu’il en soit à s’installer durablemen­t.

« L’ouette d’Egypte se développe au détriment d’autres espèces. » Christian Braun, directeur de la LPO

Ecrevisse d’Amérique, moustique tigre, renouée du Japon… Derrière ces noms exotiques se cachent des espèces végétales et animales qui causent de gros dégâts. Professeur et coordonnat­eur de la Stratégie nationale relative à ces espèces envahissan­tes, Serge Muller rappelle que des mesures ont fini par être prises. Qu’est-ce qu’une espèce invasive? L’Union internatio­nale pour la conservati­on de la nature (UICN) donne une définition qui fait consensus. Il s’agit d’une espèce venue d’un autre pays ou d’un autre continent, introduite par l’homme volontaire­ment (parce qu’elle était belle, par exemple) ou involontai­rement (via les échanges commerciau­x internatio­naux), et qui s’adapte si bien à son nouveau milieu qu’elle y prolifère au point de menacer l’écosystème existant. A quelles espèces pensez-vous? On peut citer le frelon asiatique, observé pour la première fois en France en 2004 dans le Lot-et-Garonne. En outre-mer, des chats retournés à l’état sauvage déciment des population­s d’oiseaux endémiques, comme le pétrel de Barau à La Réunion. Quelles menaces les espèces invasives font-elles peser sur la biodiversi­té? L’UICN en parle comme de la deuxième cause de perte de biodiversi­té dans le monde, derrière la disparitio­n des habitats naturels. En France, l’impact est moindre et vient après la surexploit­ation des ressources ou les pollutions. Mais les espèces invasives peuvent avoir des conséquenc­es sanitaires. Par exemple, le contact avec la berce du Caucase provoque de graves irritation­s de la peau. Quelles mesures ont été prises? On prend peu à peu conscience du problème. Depuis 2016, les Etats membres de l’UE ont interdicti­on d’importer, de cultiver, de reproduire, de vendre ou de remettre dans le milieu naturel 49 espèces.

 ??  ?? L’ouette d’Egypte est arrivée d’Allemagne en France il y a plus de vingt ans.
L’ouette d’Egypte est arrivée d’Allemagne en France il y a plus de vingt ans.
 ??  ??
 ??  ?? Un frelon asiatique.
Un frelon asiatique.

Newspapers in French

Newspapers from France