20 Minutes (Strasbourg)

Le modèle de tolérance écorché

L’équipe de Suède, qui affronte le Mexique ce mercredi (16 h), a été touchée par les messages racistes reçus par Jimmy Durmaz

- Alexia Ighirri

«Fuck le racisme.» C’est le message envoyé par la sélection suédoise, qui a fait bloc derrière Jimmy Durmaz, victime d’insultes racistes et de menaces de mort après la défaite contre l’Allemagne. Si les messages de haine ont, depuis, été recouverts par un flot de mots de soutien, cette situation interpelle sur le racisme en Suède, un pays souvent érigé en modèle de tolérance. Car ce n’est pas la première fois que des faits de racisme sont dénoncés dans le foot suédois. Dans un entretien diffusé sur Canal+, Zlatan Ibrahimovi­c, dont les parents sont originaire­s des Balkans, accusait ainsi les médias suédois de « racisme latent » à son encontre. « Le journalism­e sportif suédois n’était pas habitué à traiter son profil, son “exotisme”, assure Johanna Franden, journalist­e pour la chaîne SVT et le quotidien Aftonblade­t. On n’a pas su interpréte­r ses codes culturels. » Dans un rapport publié en février sur la situation suédoise, la Commission européenne contre le racisme et l’intoléranc­e (ECRI) rappellait que «le nombre de cas de discours de haine raciste et xénophobe avait

« La Suède est utilisée par Trump ou Orban comme un outil politique. »

Johanna Franden, journalist­e suédoise

augmenté ces dernières années ». Selon l’ECRI, le nombre de menaces et brutalités islamophob­es a doublé entre 2011 et 2015 dans le pays. Un regain d’activité des néonazis a aussi été observé. Entrés au Parlement en 2010, les Démocrates de Suède (l’extrême droite anti-immigratio­n) sont annoncés au plus haut dans les intentions de vote pour les élections législativ­es, en septembre. « Ça a beaucoup changé le visage de la politique suédoise, souligne Karin Ridell, directrice du départemen­t des études scandinave­s à l’université de Strasbourg. Ce qui est dit aujourd’hui ne pouvait peut-être pas être dit il y a cinq ans.» Le principal sujet de discorde concerne la politique d’immigratio­n. La Suède a connu plusieurs arrivées d’étrangers et a accueilli plus de 100 000 réfugiés en 2015, soit l’équivalent de 1% de sa population. Depuis, «la Suède est utilisée par Trump ou Orban [le Premier ministre hongrois] comme un outil politique, affirme Johanna Franden. Trump a pris cet exemple pour montrer les pseudo-risques de l’immigratio­n, avec des propos faux et dégradants.» C’est dans ce contexte qu’est apparue la tension autour du cas Durmaz : « Les partisans de l’extrême droite, sont très actifs sur les réseaux sociaux à l’approche des élections, indique Etienne Ollion, chercheur du CNRS à Strasbourg. Mais la prise de position forte en soutien à Durmaz est une manière de tenter de rappeler les bases du contrat social suédois. »

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Toute l’équipe de Suède est venue soutenir Jimmy Durmaz (au centre).

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