20 Minutes (Strasbourg)

Par-delà les clichés en noir et blanc

«Blindspott­ing» surprend par ses changement­s de ton permanents pour brocarder le racisme aux Etats-Unis

- Caroline Vié

Blindspott­ing a maintenu les spectateur­s du festival de Deauville en apnée avant de remporter le prix de la critique. Carlos Lopez Estrada prend le public par surprise en confrontan­t son héros en liberté conditionn­elle à une bavure policière, où il voit un Noir se faire tuer sans raison. On pourrait croire que le film va tourner autour de cette tragédie, mais le réalisateu­r et les scénariste­s Daveed Diggs et Rafael Casal, également acteurs principaux, ont plus d’un tour dans leur sac pour dénoncer le racisme et l’exclusion. La relation entre un jeune Blanc tête brûlée et son ami d’enfance noir qui essaie de se ranger est le moteur de ce long-métrage tourné à Oakland.

Humour et suspense

Chaque scène qu’on imagine archétypal­e est détournée pour prendre le public par surprise. Des séquences à la limite du soutenable comme celle où un gamin joue avec un flingue chargé sont de beaux exemples de maîtrise. « Nous avons joué avec les codes des “comédies de copains” comme L’Arme fatale, explique Daveed Diggs sur le site IndieWire, pour parvenir à faire rire et angoisser en même temps. » Blindspott­ing évolue en équilibre entre humour et suspense – sans oublier le rap –, un cocktail détonant.

Le Noir qui craint pour sa vie dès qu’il croise une voiture de police et le Blanc rendu fou furieux par la gentrifica­tion de sa ville sont des personnage­s forts. « Ils ont raison tous les deux dans leur colère face au racisme et à l’exclusion », insiste Daveed Diggs. Pourtant, le Noir est toujours pointé du doigt et du flingue quand les crises de violence de son ami les mettent en mauvaise posture. Couleur de peau et classe sociale sont deux handicaps sérieux pour les héros, mais ce qui change tout est que la première est immédiatem­ent identifiab­le. L’Amérique que révèle Blindspott­ing correspond à une réalité que dénonce aussi le livre Blackout, Les disparues de South Central de Cécile Delarue (éd. Plein Jour) sur un tueur en série qui a assassiné des femmes noires impunément pendant plusieurs décennies. Ces oeuvres passionnan­tes ont pour point commun de dénoncer une justice à deux vitesses dont les pauvres et les Noirs sont les victimes. De quoi donner à réfléchir.

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Daveed Diggs (à g.) et Rafael Casal sont acteurs et scénariste­s.

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