Par-delà les clichés en noir et blanc
«Blindspotting» surprend par ses changements de ton permanents pour brocarder le racisme aux Etats-Unis
Blindspotting a maintenu les spectateurs du festival de Deauville en apnée avant de remporter le prix de la critique. Carlos Lopez Estrada prend le public par surprise en confrontant son héros en liberté conditionnelle à une bavure policière, où il voit un Noir se faire tuer sans raison. On pourrait croire que le film va tourner autour de cette tragédie, mais le réalisateur et les scénaristes Daveed Diggs et Rafael Casal, également acteurs principaux, ont plus d’un tour dans leur sac pour dénoncer le racisme et l’exclusion. La relation entre un jeune Blanc tête brûlée et son ami d’enfance noir qui essaie de se ranger est le moteur de ce long-métrage tourné à Oakland.
Humour et suspense
Chaque scène qu’on imagine archétypale est détournée pour prendre le public par surprise. Des séquences à la limite du soutenable comme celle où un gamin joue avec un flingue chargé sont de beaux exemples de maîtrise. « Nous avons joué avec les codes des “comédies de copains” comme L’Arme fatale, explique Daveed Diggs sur le site IndieWire, pour parvenir à faire rire et angoisser en même temps. » Blindspotting évolue en équilibre entre humour et suspense – sans oublier le rap –, un cocktail détonant.
Le Noir qui craint pour sa vie dès qu’il croise une voiture de police et le Blanc rendu fou furieux par la gentrification de sa ville sont des personnages forts. « Ils ont raison tous les deux dans leur colère face au racisme et à l’exclusion », insiste Daveed Diggs. Pourtant, le Noir est toujours pointé du doigt et du flingue quand les crises de violence de son ami les mettent en mauvaise posture. Couleur de peau et classe sociale sont deux handicaps sérieux pour les héros, mais ce qui change tout est que la première est immédiatement identifiable. L’Amérique que révèle Blindspotting correspond à une réalité que dénonce aussi le livre Blackout, Les disparues de South Central de Cécile Delarue (éd. Plein Jour) sur un tueur en série qui a assassiné des femmes noires impunément pendant plusieurs décennies. Ces oeuvres passionnantes ont pour point commun de dénoncer une justice à deux vitesses dont les pauvres et les Noirs sont les victimes. De quoi donner à réfléchir.