Le métier de skipper a changé, selon Thomas Coville
Avant de prendre le départ de la route du Rhum, dimanche à Saint-Malo, le skippeur Thomas Coville livre sa vision de sa profession
Après le drame, le renouveau. Thomas Coville avait marqué la route du Rhum, bien malgré lui, il y a quatre ans. Quelques heures après le départ, il avait été heurté par un cargo à la sortie d’une zone de trafic. Une collision équivalant « à un accident de la route entre un poids lourd et une voiture », comme il la décrira plus tard. Déjà commencée, sa mutation en skippeur 2. 0 s’est accélérée après cet épisode. A quelques jours du départ de la nouvelle édition de la traversée transatlantique en solitaire, celui qui concourt dans la catégorie Ultime explique en quoi son métier et sa conception de la voile ont évolué.
V La préparation physique. « Le grand public a encore en tête l’époque des Kersauson, Arthaud, Bourgnon ou Tabarly, qui étaient des athlètes « naturels », dans le sens où ils ne faisaient pas de préparation physique spécifique. Aujourd’hui, c’est devenu quotidien. Personnellement, je l’ai fait depuis mes débuts, par goût et car j’ai senti que ça allait être important. Depuis cinq ans, je travaille avec un spécialiste [François Bonnot]. La préparation physique va avec la préparation mentale et nutritive. Tout est relié à tout.» « Mon préparateur me lit des textes et me fait faire du calcul mental. »
V La préparation cognitive. « Quand je fais de la musculation, par exemple, mon préparateur me lit des textes et me fait faire du calcul mental. Le but est d’élever mon niveau de concentration, d’être dans une exigence qui n’est pas que physique. C’est impressionnant de se rendre compte à quel point le mental mange de la puissance physique.
V Le métier, aujourd’hui. « On a vraiment l’impression de faire un autre métier qu’il y a dix ans. C’est à la fois angoissant et enthousiasmant. Il n’y a pas beaucoup de sports qui ont changé à ce point, que ce soit techniquement ou humainement. On a muté. Pour être skippeur aujourd’hui, il faut être mince, endurant, musclé mais pas trop. Si je le suis trop, je suis lourd, et si je suis lourd, sur un bateau qui bouge beaucoup, je vais dépenser énormément d’énergie pour garder mon équilibre. Des sujets balbutiants il y a dix ans sont fondamentaux aujourd’hui. »
V La voile, demain. « On est en train de vivre une ère qui réinvente la voile, avec de nouvelles approches en matière de météorologie et de climatologie. Demain, avec les nouveaux bateaux, on pourra aller plus vite que le vent, plus vite que le temps. Le fait que ce soit de plus en plus mental, sans avoir perdu les sensations de navigation, c’est magnifique. L’ADN de la voile a toujours été de s’adapter. »