Une traque sans répit ni merci
Des enquêteurs sont spécialisés dans la recherche d’anciens auteurs de massacres
Des massacres ont été commis il y a des années. Les victimes se comptent par centaines de milliers. Les auteurs courent toujours. Mais, au quatrième étage d’une caserne austère du 20e arrondissement de Paris, une vingtaine de gendarmes et de policiers de l’Office central de lutte contre les crimes contre l’humanité (OCLCH) se chargent de les traquer. La devise de leur unité : «Hora fugit stat jus.» («L’heure passe, la justice demeure»). «Notre mission consiste à lutter contre l’impunité et rétablir les victimes dans leurs droits », résume le colonel Eric Emeraux, chef de l’OCLCH. Les magistrats parisiens peuvent le saisir « lorsque l’auteur du crime est de nationalité française, lorsque la victime est un ressortissant de notre pays, ou si le suspect se trouve sur notre territoire ou y réside habituellement ».
Au sein de la division «Afrique», Pauline pourchasse ceux qui, vingt-quatre ans plus tôt, ont massacré 800000 personnes, essentiellement des Tutsis. Si «retrouver les personnes qui ont vécu le génocide n’est pas un problème», confie la jeune policière, impossible, en revanche, de mettre la main sur des indices matériels, comme une machette. Les enquêteurs doivent se contenter de témoignages, qu’ils recoupent tant bien que mal, ou d’images de reporters de guerre. « Nous échangeons aussi beaucoup d’informations avec nos homologues d’autres pays. Après une guerre, les gens s’éparpillent un peu partout dans le monde et ont parfois déjà été entendus», ajoute-t-elle, insistant sur le fait que les enquêteurs de l’office travaillent « à charge et à décharge» sur les suspects. Christophe, capitaine de gendarmerie, est, lui, plongé dans le dossier « César ». Il y a cinq ans, un photographe de la police militaire syrienne a transmis au ministère des Affaires étrangères un disque dur contenant 48000 photos de cadavres. «On essaie de déterminer si, parmi les corps, se trouvent des Français ou des Franco-Syriens », souffle-t-il. Un travail titanesque. Sur les 6000 corps dénombrés, 200 ont pour l’instant été identifiés. Mais, ce qui occupe de plus en plus l’OCLCH, ce sont les enquêtes sur les individus déboutés du droit d’asile. Les «1F», en référence à un article de la convention de Genève relative au statut des réfugiés. «Ils ne peuvent être renvoyés dans leur pays, car ils subiraient des persécutions. Ils ne sont ni “asilables”, ni expulsables », résume Nicolas, l’adjoint du colonel Emeraux. Il faut donc s’assurer qu’il ne s’agit pas de terroristes ou de criminels de guerre. Leur vie est passée au crible, parfois, ils sont suivis et placés sur écoute. En 2017, 11 dossiers de ce type ont été traités. En 2018, il y en a 29 de plus.
« Nous travaillons à charge et à décharge. »
Pauline, policière