Bolsonaro ne semble guère se soucier de l’écologie
Le programme environnemental de Jair Bolsonaro, plus précisément le volet amazonien, inquiète les écologistes du pays
Pas si soulagées que cela, les associations environnementales brésiliennes. Car, si Jair Bolsonaro, avant même son investiture à la tête de l’Etat, en janvier, est déjà revenu sur certaines des promesses environnementales de sa campagne (comme la disparition du ministère de l’Environnement ou le retrait de l’Accord de Paris sur le climat), son programme reste préoccupant. En particulier pour l’Amazonie, cet immense réservoir de biodiversité de 6 millions de km², dont 63 % se trouvent au Brésil. Bolsonaro candidat a promis que, lui élu, «il n’y aura[it] pas un centimètre supplémentaire de terres indigènes » et que celles déjà reconnues – environ 13% du territoire brésilien, véritable rempart contre la déforestation – seraient ouvertes à l’exploitation minière et à d’autres activités économiques. Pour Armelle Enders, historienne à l’Institut d’histoire du temps présent, « la colonisation de l’Amazonie qu’il veut relancer aujourd’hui était l’un de ces grands projets militaires portés par la dictature [1964-1985]». Même chose pour la BR-319, une autoroute désaffectée de 890 km qui relie Manaus à Porto Velho, au coeur de l’Amazonie. L’équipe de Jair Bolsonaro a promis sa réouverture et sa rénovation, au grand dam des associations environnementales qui craignent la déforestation des zones alentour, via notamment la construction de routes secondaires.
Des accords de façade ?
Quelle part de son programme le nouveau président brésilien sera-t-il en mesure d’appliquer ? « Bolsonaro donne l’impression d’avoir très peu de connaissances sur les sujets environnementaux, d’où les nombreuses contradictions dans ses propos à mesure qu’il découvre les dossiers, observe Alexandre Müller, agroéconomiste franco-brésilien ayant travaillé en Amazonie. Ce serait en partie les partisans de l’agrobusiness qui lui auraient conseillé de renoncer à la fusion des ministères de l’Environnement et de l’Agriculture, de crainte que les produits brésiliens soient mis au ban de la communauté internationale.» Alexandre Müller et Armelle Enders invitent toutefois à ne pas se faire d’illusions. Sous le mandat de Bolsonaro, l’Etat fédéral brésilien pourrait être beaucoup plus laxiste dans la lutte contre la déforestation. « On peut s’attendre à ce qu’il respecte en façade les accords internationaux, mais que, dans la pratique, il ne fasse rien pour les appliquer ni pour sanctionner les fraudes, explique Armelle Enders. Le Brésil a déjà eu recours à ce procédé dans son histoire, sur le trafic négrier notamment. Le pays l’avait officiellement aboli en 1850, pour se mettre au diapason de la communauté internationale. Mais, en réalité, il a fonctionné de longues années encore de façon clandestine et avec la complaisance du gouvernement.»