Dans la ligne de mire
Les grenades et les lanceurs de balle de défense utilisés par les forces de l’ordre sont accusés d’être à l’origine de très nombreuses blessures dans les rangs des «gilets jaunes».
Mardi, entendu, entre autres, par le député Ugo Bernalicis (LFI) à l’Assemblée nationale, le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, a ardemment défendu les forces de l’ordre : «Elles font toujours face avec proportionnalité, avec discernement et, s’il y a des fautes qui doivent être établies, alors nous devons la transparence, parce que nous devons l’exemplarité.»
Une exemplarité que beaucoup réclament, au regard du nombre grandissant de signalements pour violences policières présumées réalisés auprès de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN). Depuis le début de la mobilisation des « gilets jaunes », près de 1700 manifestants ont été blessés. Dans ces chiffres, difficile d’évaluer la part de blessures à imputer aux armes utilisées par les policiers et les gendarmes chargés du maintien de l’ordre. Mais la diffusion de plus en plus massive de vidéos, témoignages et photos de manifestants visés par des tirs de lanceur de balle de défense (LBD 40) ou des grenades GLI-F4 interroge : les forces de l’ordre doivent-elles continuer à utiliser ces armes lors des manifestations?
Un « déni de réalité »
Au sein de l’Union européenne, la France est le seul pays à en être doté. « Nos forces de l’ordre ont été élevées avec ces grenades, constate Ainoha Pascual, avocate et membre d’un collectif qui dénonce la “militarisation” du maintien de l’ordre. Si l’Etat décide de les supprimer, elles auront l’impression de ne pas savoir faire, d’être démunies. Or des solutions existent. L’Allemagne a fait face au G20 à Hambourg avec des gaz lacrymogènes et des canons à eau.» Autre explication, selon elle : « Les condamnations pour une utilisation illégale de ces armes sont très faibles. La probabilité même pour qu’ils soient poursuivis est tout aussi faible. Ça peut désinhiber. » A cela s’ajoute également la sociologie des « gilets jaunes », peu familiers des manifestations et parfois surpris par la violence de la réponse policière.
Le débat sur ces armes n’est pas nouveau. Le décès de Rémi Fraisse, par exemple, en 2014 à Sivens (Tarn), après avoir été touché par une grenade explosive offensive, a entraîné des discussions au sein des forces de l’ordre et une réponse politique avec l’interdiction de cette grenade. Selon nos informations, aucune réflexion sur l’usage des LBD 40 et des grenades GLI-F4 n’aurait été lancée au sein du ministère de l’Intérieur.
« C’est un déni de réalité de la part du ministre, tance l’avocat Arié Alimi, membre du bureau national de la Ligue des droits de l’homme. Il faut une interdiction de ces armes, que tout le monde, le défenseur des droits, l’ONU, l’Union européenne et d’innombrables associations jugent extrêmement dangereuses. » Ainoha Pascual lance : «Faudra-t-il encore des morts pour que le politique se saisisse de cette question ? »