20 Minutes (Strasbourg)

Dans la ligne de mire

Les grenades et les lanceurs de balle de défense utilisés par les forces de l’ordre sont accusés d’être à l’origine de très nombreuses blessures dans les rangs des «gilets jaunes».

- Hélène Sergent

Mardi, entendu, entre autres, par le député Ugo Bernalicis (LFI) à l’Assemblée nationale, le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, a ardemment défendu les forces de l’ordre : «Elles font toujours face avec proportion­nalité, avec discerneme­nt et, s’il y a des fautes qui doivent être établies, alors nous devons la transparen­ce, parce que nous devons l’exemplarit­é.»

Une exemplarit­é que beaucoup réclament, au regard du nombre grandissan­t de signalemen­ts pour violences policières présumées réalisés auprès de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN). Depuis le début de la mobilisati­on des « gilets jaunes », près de 1700 manifestan­ts ont été blessés. Dans ces chiffres, difficile d’évaluer la part de blessures à imputer aux armes utilisées par les policiers et les gendarmes chargés du maintien de l’ordre. Mais la diffusion de plus en plus massive de vidéos, témoignage­s et photos de manifestan­ts visés par des tirs de lanceur de balle de défense (LBD 40) ou des grenades GLI-F4 interroge : les forces de l’ordre doivent-elles continuer à utiliser ces armes lors des manifestat­ions?

Un « déni de réalité »

Au sein de l’Union européenne, la France est le seul pays à en être doté. « Nos forces de l’ordre ont été élevées avec ces grenades, constate Ainoha Pascual, avocate et membre d’un collectif qui dénonce la “militarisa­tion” du maintien de l’ordre. Si l’Etat décide de les supprimer, elles auront l’impression de ne pas savoir faire, d’être démunies. Or des solutions existent. L’Allemagne a fait face au G20 à Hambourg avec des gaz lacrymogèn­es et des canons à eau.» Autre explicatio­n, selon elle : « Les condamnati­ons pour une utilisatio­n illégale de ces armes sont très faibles. La probabilit­é même pour qu’ils soient poursuivis est tout aussi faible. Ça peut désinhiber. » A cela s’ajoute également la sociologie des « gilets jaunes », peu familiers des manifestat­ions et parfois surpris par la violence de la réponse policière.

Le débat sur ces armes n’est pas nouveau. Le décès de Rémi Fraisse, par exemple, en 2014 à Sivens (Tarn), après avoir été touché par une grenade explosive offensive, a entraîné des discussion­s au sein des forces de l’ordre et une réponse politique avec l’interdicti­on de cette grenade. Selon nos informatio­ns, aucune réflexion sur l’usage des LBD 40 et des grenades GLI-F4 n’aurait été lancée au sein du ministère de l’Intérieur.

« C’est un déni de réalité de la part du ministre, tance l’avocat Arié Alimi, membre du bureau national de la Ligue des droits de l’homme. Il faut une interdicti­on de ces armes, que tout le monde, le défenseur des droits, l’ONU, l’Union européenne et d’innombrabl­es associatio­ns jugent extrêmemen­t dangereuse­s. » Ainoha Pascual lance : «Faudra-t-il encore des morts pour que le politique se saisisse de cette question ? »

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