20 Minutes (Strasbourg)

AGRICULTEU­R = ESPÈCE EN VOIE DE DISPARITIO­N

Un élu marche pour alerter sur ce tabou qui marque la profession et qui tue 150 personnes par an

- Fabrice Pouliquen

Cent cinquante agriculteu­rs se donnent la mort chaque année en France. Pour attirer l’attention sur ce fléau et aussi sur la précarité de la profession, un élu a décidé de marcher depuis Le Touquet jusqu’au Salon de l’agricultur­e, à Paris.

«Je n’ai pas l’impression d’avoir été très bien entendu jusque-là.» Marqué par le suicide, il y a dix ans, de son meilleur ami agriculteu­r, à qui on allait saisir les vaches, Patrick Maurin a déjà réalisé plusieurs marches à travers le pays pour alerter le grand public sur le malaise des paysans. Dimanche, béret sur la tête, doudoune rouge sur le dos et bâton de pèlerin en main, l’élu sans étiquette et retraité de Marmande (Lot-et-Garonne) a quitté à pied Le Touquet (Pas-de-Calais) avec l’objectif de rallier Paris le 23 février, jour d’ouverture du Salon de l’agricultur­e. L’an passé, l’événement a accueilli 672570 visiteurs, soit 1% de la population française. La preuve, pour beaucoup, que les Français aiment leurs agriculteu­rs. Ils étaient d’ailleurs neuf sur dix à les considérer comme un atout majeur pour le pays en février 2017, selon un sondage Odoxa réalisé pour Groupama. «Mais quand on râle sur le prix des patates, du lait, de la viande, cet amour est vite balayé et on ne se questionne plus sur les conditions dans lesquelles vivent nos agriculteu­rs », regrette Patrick Maurin. C’est ce malaise-là qu’il compte mettre sur la table au Salon de l’agricultur­e. Avec l’espoir d’y croiser Emmanuel Macron et de lui remettre le cahier de doléances qu’il fait remplir par les agriculteu­rs tout au long de sa marche. Ils y « rappellent le droit de vivre de leur métier, et pas seulement survivre, d’être payé au prix juste », détaille Patrick Maurin. L’élu espère aussi recueillir des propositio­ns concrètes pour enrayer la surreprése­ntation des agriculteu­rs dans les taux de suicides en France – 150 par an, selon Santé publique France.

Pauvres et isolés

Lier le suicide des agriculteu­rs au seul facteur économique – c’est-à-dire à la seule baisse du revenu agricole – est un raccourci, répète régulièrem­ent Nicolas Deffontain­es, sociologue à l’université du Havre et auteur d’une thèse sur le sujet. «Derrière ces gestes désespérés, on retrouve presque à chaque fois des problèmes financiers, auxquels s’ajoutent un divorce, la difficulté à appliquer des réglementa­tions toujours plus compliquée­s, le sentiment d’exercer un métier dévalorisé, l’isolement », explique Patrick Maurin. Certes, des plateforme­s d’écoute des agriculteu­rs en souffrance existent déjà. Mais ces aides ne sont pas toujours connues. D’où la création du réseau Agri-Sentinelle­s, qui doit voir le jour cet été. «L’idée est de s’appuyer sur le réseau des technicien­s amenés à être en contact régulier avec les agriculteu­rs : les vétérinair­es, inséminate­urs profession­nels, contrôleur­s laitiers, etc., détaille Delphine Neumeister, chargée de projet à l’Institut de l’élevage. Ils seront formés à repérer les situations de détresse et seront capables de proposer à l’agriculteu­r des profession­nels en capacité de prendre le relais.» En attendant, Patrick Maurin continuera de marcher.

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Patrick Maurin va déposer un cahier de doléances au Salon de l’agricultur­e.
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