Un horizon sans médecin
«20 Minutes» s’est rendu au Pont-de-Beauvoisin, dans l’Isère, où est décédée une «gilet jaune». Ici, comme dans beaucoup de petites villes, le manque de docteurs se fait ressentir.
Dans le sillage du grand débat national lancé pour répondre à la crise des « gilets jaunes »,
20 Minutes donne la parole aux acteurs de ce mouvement inédit, désormais confrontés à cette même problématique : rester visible. A Mantes-la-Jolie, Toulouse, Saint-Dizier… La série se décline en reportages publiés chaque vendredi jusqu’au 8 mars. «Il fait beau en ce moment. Sauf ici.» Sandrine Baule fixe un rond-point. Celui de la zone commerciale la Baronnie, au Pont-de-Beauvoisin (Savoie). Une commune de 2 000 habitants où le mouvement des «gilets jaunes» a été marqué par son premier drame. Chantal Mazet, 63 ans, est morte le 17 novembre, renversée par une conductrice « paniquée », selon les autorités, car elle devait emmener son enfant chez le médecin. Sandrine Baule a assisté à la scène. Elle enrage : «C’est vrai que, dans ce coin-là, ce n’est pas toujours facile d’obtenir un rendez-vous chez le médecin. Mais de là à tuer?»
« Wanted médecin »
Certes, Le Pont-de-Beauvoisin a « la chance» de bénéficier d’un hôpital d’urgence, « pour les premiers soins seulement », reconnaît Alan, un autre « gilet jaune». Néanmoins, dans cette partie de la région Auvergne-Rhône-Alpes, entre Savoie et Isère, les médecins généralistes sont trop peu nombreux. « Il m’a fallu huit ans pour en trouver un qui accepte de devenir mon médecin référent!» s’insurge Franck Cocolon. Aide-soignant au centre hospitalier psychiatrique de Grenoble, il est aussi une «blouse blanche», déçu par le plan santé du gouvernement annoncé en septembre et par l’absence dans le grand débat national d’un volet consacré au manque de médecins dans certains départements. Pourtant, selon les derniers chiffres du Conseil national de l’ordre des médecins, publiés fin 2018, la Savoie et l’Isère ne sont pas les départements les plus nécrosés de France. «La Savoie est plutôt épargnée, explique Marc Barthez, président du syndicat Fédération des médecins de France. Et puis, vu le nombre d’habitants dans certaines communes, y a-t-il vraiment besoin d’un médecin?» En Savoie, des maires tentent de lutter contre les déserts médicaux. A Valloire, par exemple, petite station de sports d’hiver, la municipalité a «sorti» 400000 € pour reprendre et rénover son unique centre médical, dont le propriétaire souhaitait se séparer. Depuis, les murs, mais aussi l’équipement, lui appartiennent. « Même le stéthoscope est à nous», s’amuse le maire, Jean-Pierre Rougeaux. L’un des trois médecins, désormais retraités, est même resté pour former deux jeunes arrivants. Dans la vallée, le maire des Molettes, Jean-Claude Nicolle, est allé jusqu’à placarder des affiches «Wanted médecin» et à rénover un sous-sol à ses frais pour faire venir un remplaçant au médecin de la ville qui partait à la retraite. Sans succès. La question des déserts médicaux finira-t-elle par s’inviter dans le grand débat? Ce dernier doit s’achever le 18 mars.