L’inquiétude couve
A la veille du Salon de l’agriculture à Paris, la taille des exploitations bio, qui n’est pas forcément limitée, préoccupe les éleveurs.
Cages interdites, accès au plein air obligatoire, au moins 50 % du sol sans caillebotis et paillé, des aliments sains et produits le plus possible à la ferme… Vouloir être estampillé «agriculture biologique » nécessite pour les éleveurs de se plier à un cahier des charges européen strict. Mais pour ce qui est de limiter la taille des exploitations bio et de barrer la route à leur industrialisation, ce « règlement bio européen a de grosses lacunes », pointe la Fnab (Fédération nationale d’agriculture biologique). Que ce soit l’actuel règlement ou le prochain, qui est discuté depuis quatre ans. La fédération ne manquera pas de le dire lors du Salon de l’agriculture, qui ouvre samedi à Paris, porte de Versailles (15e).
Des élevages bio démesurés existent déjà en Italie, en Allemagne, aux Pays-Bas, au Danemark.
« Le problème ne se pose pas pour toutes les filières, précise d’emblée Fiona Marty, chargée des affaires européennes à la Fnab. Pour la volaille de chair [élevée pour la viande], les textes stipulent que les exploitations ne peuvent avoir au maximum que 1 600 m² de bâtiments et qu’aucun ne peut faire plus de 480 m². Cela permet de limiter la taille des exploitations. » Au contraire, les contraintes sont moins explicites ou plus facilement contournables pour les élevages bio de porcs et de poules pondeuses (c’està-dire élevées pour leurs oeufs). « Il y a tout de même moins de risques de voir apparaître en Europe des fermes porcines bio démesurées, estime Etienne Gangneron, vice-président de la FNSEA, premier syndicat agricole. Le cahier des charges est tout simplement complexe à tenir et encore plus si on dispose d’un grand nombre de bêtes. »
Un point que lui accorde Fiona Marty. En revanche, pour les élevages de poules pondeuses, le risque est réel. La Fnab constate déjà des élevages estampillés « agriculture biologique » démesurés en Italie, en Allemagne, aux Pays-Bas, au Danemark. Certains calibrés pour 100 000 animaux. « Ces dernières années, nous avons vu apparaître des élevages de plus de 15 000 poules pondeuses biologiques, rapporte Fiona Marty. Ils ne représentent encore que 2 % des exploitations, mais déjà 20 % du cheptel. » Pour la Fnab tout comme pour Etienne Gangneron ou Charles Pernin, délégué général de Synabio, syndicat national des entreprises bio, ces tailles d’exploitation ne sont compatibles ni avec les fondements de l’agriculture bio ni avec l’idée que les consommateurs s’en font. « Ces exploitations restent peut-être dans les clous du règlement, mais leurs poules ne prennent plus beaucoup l’air », regrette Fiona Marty. La Fnab voulait alors profiter de l’élaboration
« Le futur réglement ne limiterait plus la taille des bâtiments pour la volaille de chair. »
Fiona Marty, de la Fnab
d’une nouvelle version des règles européennes sur l’agriculture biologique pour en augmenter les standards. Elle proposait notamment de limiter la taille des élevages bio européens à 9 000 poules pondeuses. Ce nouveau règlement, qui doit entrer en vigueur en 2021, est toujours l’objet de discussions. Mais celles-ci touchent à leur fin et la Fédération nationale d’agriculture biologique n’a toujours pas été entendue. « Pire, glisse Fiona Marty, le futur texte ne limiterait plus la taille des bâtiments des élevages de volaille de chair. » Charles Pernin assure pour autant que la partie n’est pas finie, même si l’idée d’instaurer une limite dans la taille des élevages n’est pas retenue. « Il est possible de jouer sur d’autres paramètres du règlement pour éviter cette course à l’agrandissement des élevages bio de volailles et poules pondeuses, juge-t-il. En augmentant par exemple la part obligatoire d’aliments produits sur la ferme. » C’est une autre voie possible, confirme Fiona Marty, mais plus périlleuse, tant les textes réglementaires européens peuvent être sujets aux interprétations.