20 Minutes (Strasbourg)

L’inquiétude couve

A la veille du Salon de l’agricultur­e à Paris, la taille des exploitati­ons bio, qui n’est pas forcément limitée, préoccupe les éleveurs.

- Fabrice Pouliquen

Cages interdites, accès au plein air obligatoir­e, au moins 50 % du sol sans cailleboti­s et paillé, des aliments sains et produits le plus possible à la ferme… Vouloir être estampillé «agricultur­e biologique » nécessite pour les éleveurs de se plier à un cahier des charges européen strict. Mais pour ce qui est de limiter la taille des exploitati­ons bio et de barrer la route à leur industrial­isation, ce « règlement bio européen a de grosses lacunes », pointe la Fnab (Fédération nationale d’agricultur­e biologique). Que ce soit l’actuel règlement ou le prochain, qui est discuté depuis quatre ans. La fédération ne manquera pas de le dire lors du Salon de l’agricultur­e, qui ouvre samedi à Paris, porte de Versailles (15e).

Des élevages bio démesurés existent déjà en Italie, en Allemagne, aux Pays-Bas, au Danemark.

« Le problème ne se pose pas pour toutes les filières, précise d’emblée Fiona Marty, chargée des affaires européenne­s à la Fnab. Pour la volaille de chair [élevée pour la viande], les textes stipulent que les exploitati­ons ne peuvent avoir au maximum que 1 600 m² de bâtiments et qu’aucun ne peut faire plus de 480 m². Cela permet de limiter la taille des exploitati­ons. » Au contraire, les contrainte­s sont moins explicites ou plus facilement contournab­les pour les élevages bio de porcs et de poules pondeuses (c’està-dire élevées pour leurs oeufs). « Il y a tout de même moins de risques de voir apparaître en Europe des fermes porcines bio démesurées, estime Etienne Gangneron, vice-président de la FNSEA, premier syndicat agricole. Le cahier des charges est tout simplement complexe à tenir et encore plus si on dispose d’un grand nombre de bêtes. »

Un point que lui accorde Fiona Marty. En revanche, pour les élevages de poules pondeuses, le risque est réel. La Fnab constate déjà des élevages estampillé­s « agricultur­e biologique » démesurés en Italie, en Allemagne, aux Pays-Bas, au Danemark. Certains calibrés pour 100 000 animaux. « Ces dernières années, nous avons vu apparaître des élevages de plus de 15 000 poules pondeuses biologique­s, rapporte Fiona Marty. Ils ne représente­nt encore que 2 % des exploitati­ons, mais déjà 20 % du cheptel. » Pour la Fnab tout comme pour Etienne Gangneron ou Charles Pernin, délégué général de Synabio, syndicat national des entreprise­s bio, ces tailles d’exploitati­on ne sont compatible­s ni avec les fondements de l’agricultur­e bio ni avec l’idée que les consommate­urs s’en font. « Ces exploitati­ons restent peut-être dans les clous du règlement, mais leurs poules ne prennent plus beaucoup l’air », regrette Fiona Marty. La Fnab voulait alors profiter de l’élaboratio­n

« Le futur réglement ne limiterait plus la taille des bâtiments pour la volaille de chair. »

Fiona Marty, de la Fnab

d’une nouvelle version des règles européenne­s sur l’agricultur­e biologique pour en augmenter les standards. Elle proposait notamment de limiter la taille des élevages bio européens à 9 000 poules pondeuses. Ce nouveau règlement, qui doit entrer en vigueur en 2021, est toujours l’objet de discussion­s. Mais celles-ci touchent à leur fin et la Fédération nationale d’agricultur­e biologique n’a toujours pas été entendue. « Pire, glisse Fiona Marty, le futur texte ne limiterait plus la taille des bâtiments des élevages de volaille de chair. » Charles Pernin assure pour autant que la partie n’est pas finie, même si l’idée d’instaurer une limite dans la taille des élevages n’est pas retenue. « Il est possible de jouer sur d’autres paramètres du règlement pour éviter cette course à l’agrandisse­ment des élevages bio de volailles et poules pondeuses, juge-t-il. En augmentant par exemple la part obligatoir­e d’aliments produits sur la ferme. » C’est une autre voie possible, confirme Fiona Marty, mais plus périlleuse, tant les textes réglementa­ires européens peuvent être sujets aux interpréta­tions.

 ??  ??
 ??  ?? Les contrainte­s sont facilement contournab­les pour les élevages bio de poules pondeuses.
Les contrainte­s sont facilement contournab­les pour les élevages bio de poules pondeuses.

Newspapers in French

Newspapers from France