20 Minutes (Strasbourg)

La beauté à plein régime

En Corée du Sud, l’influence des stars de K-pop sur une jeunesse obsédée par l’apparence inquiète le gouverneme­nt, qui a tenté d’agir

- Marion Sacuto

Le ministère de l’Egalité des genres a bien tenté de faire bouger les choses en Corée du Sud, où la beauté est un critère de réussite. Des directives ont été publiées la semaine dernière pour demander aux chaînes de divertisse­ment de cesser de privilégie­r la minceur et de sexualiser les femmes en leur imposant des tenues très courtes. L’institutio­n dénonce un « grave problème d’uniformité parmi les chanteurs» et s’inquiète de l’influence des stars de K-pop sur les plus jeunes. On pourrait voir dans cette initiative une avancée pour le pays, mais le traumatism­e causé par les régimes totalitair­es des années 1960-1980 est toujours présent dans l’esprit des Coréens. Accusé de tentative de censure, le gouverneme­nt a finalement retiré ce guide polémique. En Corée du Sud, les critères de beauté rappellent les traits de visages occidentau­x. En plus d’être mince, il faut avoir une peau blanche, de grands yeux, une double paupière, un nez haut et une mâchoire en forme de V. Selon l’institut de sondage Gallup Korea Poll, un tiers des Coréennes âgées de 19 à 29 ans ont déjà subi une interventi­on chirurgica­le.

Les stars de K-pop reflètent cette perfection à atteindre. Le girls band Six Bomb a sorti deux clips vidéo, «avant» et « après » leurs interventi­ons chirurgica­les, en 2017. On les voit entre autres feuilleter un magazine pour choisir leurs opérations, discuter avec une médecin, faire des soins du visage… sur les paroles «Je suis en train de devenir jolie». Augmentati­ons mammaires, élargissem­ents des yeux, rhinoplast­ies… Dans le clip de Six Bomb «Getting Pretty After» , on peut observer les modificati­ons réalisées. Un culte de l’apparence qui influence les plus jeunes. Une étude réalisée en 2018 auprès d’adolescent­s avait montré que près de 70 % d’entre eux avaient déjà songé à devenir une star de l’industrie du spectacle.

Une philosophi­e patriarcal­e

Malgré sa place de 11e puissance mondiale, la Corée du Sud est classée 115e sur 149 pays en matière d’égalité des sexes, selon le World Economic Forum. Les préceptes confuciani­stes qui imprègnent la société encouragen­t le sexisme. La femme doit ainsi respecter son père, son mari et son fils, et elle doit s’occuper du foyer et des tâches ménagères. De plus, avoir un visage harmonieux est un signe de beauté intérieure : le pays a une longue tradition d’analyse des traits du visage. Cette pression qui repose sur les femmes est de plus en plus critiquée par des militantes féministes. En octobre, le mouvement «Echapper au corset» a incité les Coréennes à publier sur les réseaux sociaux des selfies pris sans maquillage ainsi que des vidéos dans lesquelles elles détruisent leurs produits cosmétique­s.

En plus d’être mince, il faut avoir une peau blanche et de grands yeux.

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Les participan­tes à une émission de divertisse­ment sud-coréenne, en 2018.

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