La beauté à plein régime
En Corée du Sud, l’influence des stars de K-pop sur une jeunesse obsédée par l’apparence inquiète le gouvernement, qui a tenté d’agir
Le ministère de l’Egalité des genres a bien tenté de faire bouger les choses en Corée du Sud, où la beauté est un critère de réussite. Des directives ont été publiées la semaine dernière pour demander aux chaînes de divertissement de cesser de privilégier la minceur et de sexualiser les femmes en leur imposant des tenues très courtes. L’institution dénonce un « grave problème d’uniformité parmi les chanteurs» et s’inquiète de l’influence des stars de K-pop sur les plus jeunes. On pourrait voir dans cette initiative une avancée pour le pays, mais le traumatisme causé par les régimes totalitaires des années 1960-1980 est toujours présent dans l’esprit des Coréens. Accusé de tentative de censure, le gouvernement a finalement retiré ce guide polémique. En Corée du Sud, les critères de beauté rappellent les traits de visages occidentaux. En plus d’être mince, il faut avoir une peau blanche, de grands yeux, une double paupière, un nez haut et une mâchoire en forme de V. Selon l’institut de sondage Gallup Korea Poll, un tiers des Coréennes âgées de 19 à 29 ans ont déjà subi une intervention chirurgicale.
Les stars de K-pop reflètent cette perfection à atteindre. Le girls band Six Bomb a sorti deux clips vidéo, «avant» et « après » leurs interventions chirurgicales, en 2017. On les voit entre autres feuilleter un magazine pour choisir leurs opérations, discuter avec une médecin, faire des soins du visage… sur les paroles «Je suis en train de devenir jolie». Augmentations mammaires, élargissements des yeux, rhinoplasties… Dans le clip de Six Bomb «Getting Pretty After» , on peut observer les modifications réalisées. Un culte de l’apparence qui influence les plus jeunes. Une étude réalisée en 2018 auprès d’adolescents avait montré que près de 70 % d’entre eux avaient déjà songé à devenir une star de l’industrie du spectacle.
Une philosophie patriarcale
Malgré sa place de 11e puissance mondiale, la Corée du Sud est classée 115e sur 149 pays en matière d’égalité des sexes, selon le World Economic Forum. Les préceptes confucianistes qui imprègnent la société encouragent le sexisme. La femme doit ainsi respecter son père, son mari et son fils, et elle doit s’occuper du foyer et des tâches ménagères. De plus, avoir un visage harmonieux est un signe de beauté intérieure : le pays a une longue tradition d’analyse des traits du visage. Cette pression qui repose sur les femmes est de plus en plus critiquée par des militantes féministes. En octobre, le mouvement «Echapper au corset» a incité les Coréennes à publier sur les réseaux sociaux des selfies pris sans maquillage ainsi que des vidéos dans lesquelles elles détruisent leurs produits cosmétiques.
En plus d’être mince, il faut avoir une peau blanche et de grands yeux.