20 Minutes (Strasbourg)

L’Algérie crie son « non »

Dans la rue depuis cinq jours, le peuple algérien refuse la perspectiv­e d’un nouveau mandat du président Bouteflika. Les étudiants ont pris le relais de cette contestati­on, mardi.

- Fabrice Pouliquen

«Il est vivant!», s’écrie un homme. «Bouteflika?», lui demande un autre. «Non, le peuple!», lui rétorque le premier. Pour Selma Belaala, chercheuse à l’université de Warwick et spécialist­e de l’Afrique du Nord, ces propos d’un dessin de presse du dessinateu­r algérien Ali Dilem illustrent l’atmosphère en Algérie. Depuis vendredi, des manifestat­ions se déroulent dans le pays pour s’opposer à un cinquième mandat du président Abdelaziz Bouteflika, très affaibli par un accident vasculaire cérébral survenu en 2013. Vendredi, ils étaient des milliers dans les rues d’Alger, alors que toute manifestat­ion y est interdite. «On peut être surpris de l’ampleur de ces manifestat­ions après quinze ans de silence, note Selma Belaala. En 2011, lors du printemps arabe, les Algériens étaient restés en retrait.» Même en 2014, la candidatur­e à un quatrième mandat de Bouteflika avait été peu contestée. Un long silence de la population que Selma Belaala explique par le traumatism­e de la guerre civile (1991-2002). « Il y avait cette volonté de la majorité de ne laisser aucune brèche au mouvement djihadiste», analyse-telle. Abdelaziz Bouteflika était alors vu comme le rempart au chaos. Mais la situation économique s’est rapidement dégradée avec l’effondreme­nt des cours du pétrole. « L’Algérie est encore très loin de ce qui se passe au Venezuela, pondère le sociologue Nacer Djabi. Le mouvement actuel témoigne surtout d’un ras-le-bol pour un dirigeant politique qui s’accroche au pouvoir et qui a passé son dernier mandat malade, sans rencontrer aucun autre chef d’Etat, sans faire aucune déclaratio­n publique… » Maintenant que « les Algériens ont fait tomber le mur de la peur », selon les mots de Nacer Djabi, reste à deviner la suite. « Si la candidatur­e de Bouteflika est maintenue, il gagnera avec plus de 80 % des voix, assure le sociologue. Les jeux sont déjà faits. Une interventi­on musclée des forces de l’ordre pour faire taire les manifestan­ts ferait imploser le pays. Je ne vois pas comment cette candidatur­e peut être maintenue. » Pourtant, mardi, Abdelmalek Sellal, le directeur de campagne d’Abdelaziz Bouteflika, a annoncé que le président déposerait, le 3 mars, sa candidatur­e auprès du Conseil constituti­onnel.

« Le mouvement témoigne d’un ras-lebol pour un dirigeant qui s’accroche au pouvoir. » Nacer Djabi, sociologue

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Après des années de silence, le peuple était dans les rues d’Alger, mardi.

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