20 Minutes (Strasbourg)

A Montceaule­s-Mines, les « gilets jaunes » réclament plus de pouvoir d’achat

La question du pouvoir d’achat est au coeur du mouvement

- A Montceau-les-Mines, Anissa Boumediene

Dans le sillage du grand débat national lancé pour répondre à la crise des « gilets jaunes », 20 Minutes donne la parole aux acteurs de ce mouvement inédit, désormais confrontés à cette même problémati­que : rester visible. A Mantes-la-Jolie, Saint-Dizier et aujourd’hui Montceau-Les-Mines… la série se décline en reportages publiés chaque vendredi jusqu’au 8 mars.

Il n’est pas encore 10 h que déjà, sous un soleil qui chauffe doucement le visage, Yves est là. Dans sa voiture, assis au côté de son vieux père dont il s’occupe, il attend que d’autres camarades arrivent. Sur le rond-point du Magny à Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire), les «gilets jaunes» restent mobilisés et se retrouvent tous les jours, par tous les temps, sur ce camp où une caravane et un petit chapiteau leur offrent le confort nécessaire pour passer les journées. Au centre, une grande table chargée de victuaille­s ravit ceux qui ont un petit creux ou une petite soif. Des gâteaux, chips, boissons fraîches et café offerts par des locaux – particulie­rs et petits commerçant­s – solidaires de leur mobilisati­on. Des produits en partie achetés au Géant Casino, l’un des supermarch­és de la ville. C’est là-bas, fin décembre, qu’un groupe de « gilets jaunes» a constaté de nombreux écarts entre les prix affichés en rayons et sur le ticket de caisse. Pris la main sur l’étiquette, le groupe Casino a présenté ses excuses, plaidant l’erreur humaine « et les difficulté­s logistique­s de mettre à jour les prix de milliers de références ».

« J’ai commencé ma petite grève personnell­e. Les supermarch­és, c’est fini pour moi.»

Fatima, « gilet jaune »

«Il y a un terreau fertile à la révolte à Montceau, c’est l’héritage de la culture des mines, c’est en nous », assure Jean-Pascal, chauffeur de taxi, qui aimerait bien «qu’on arrête de croire que les “gilets jaunes” sont des “cassos” ou des casseurs, parce qu’on bosse nous, mais on ne s’en sort pas ». Malgré des soucis de santé, Christine, « gilet jaune » du Creusot qui vit avec 800 € par mois de pension d’invalidité, ne fait « jamais un vrai repas » et se nourrit exclusivem­ent « de yaourts premier prix, de baguettes viennoises et de biscuits secs, mais je ne veux pas demander de l’aide à mes enfants ou aux Restos du coeur, j’ai bien trop honte ». En attendant un changement politique, et lassées de se sentir «prises pour des vaches à lait qui n’ont plus de lait », Sabrina et Fatima se verraient bien zapper les supermarch­és de leur quotidien. « J’ai commencé ma petite grève personnell­e : les supermarch­és, c’est fini pour moi, indique Fatima. J’ai mes légumes du jardin, je fabrique moimême mes produits ménagers et j’apprends à faire ma lessive. J’en ai marre de cette surconsomm­ation qui nous plombe le porte-monnaie et le moral quand on n’a les moyens de rien. » Nicole, elle, a déjà lancé le mouvement à Paray-le-Monial, petite ville à quelques kilomètres de là. «Gilet jaune» de la première heure, elle vit avec «599, 69 € par mois». Cette auxiliaire de vie à la retraite essaie de mettre en place « un marché parallèle. On démarche les petits producteur­s locaux – maraîchers, éleveurs, volaillers, fromagers – pour briser un cercle vicieux : quand on n’a pas d’argent, on achète les produits les moins chers, on mange de la merde bourrée d’additifs et de graisses, ça rend gros, ça bousille la santé et ça vous file le cancer. Là, on veut valoriser le travail des producteur­s locaux, et avoir les moyens de s’offrir une alimentati­on saine et bonne sans se ruiner, c’est du gagnant-gagnant pour tout le monde. »

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A Montceau-les-Mines, les «gilets jaunes» restent mobilisés et se retrouvent tous les jours, par tous les temps.

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