20 Minutes (Strasbourg)

L’effet de l’euro sur la richesse des Français fait débat

Une étude allemande très contestée affirme que la mise en place de la monnaie unique a fait perdre de l’argent aux Français

- Nicolas Raffin

Vingt ans après son adoption, l’euro reste un sujet sensible. Les effets économique­s de la «monnaie unique» sont toujours âprement discutés, et chaque étude sur le sujet est utilisée comme argument par les «euroscepti­ques» ou les « europhiles », suivant ses conclusion­s. Les derniers travaux publiés il y a quelques jours par un think tank allemand n’ont pas échappé à cette tradition.

Dans cette étude, les chercheurs du centre de politique européenne (CEP) de Fribourg affirment que, sur huit pays de la zone euro étudiés, seulement deux – l’Allemagne et les PaysBas – ont profité de la mise en place de la monnaie unique. Les autres pays, dont la France, auraient été pénalisés par l’euro, qui aurait freiné la croissance de leur produit intérieur brut. Les auteurs estiment que, sans la monnaie unique, la France aurait été plus riche : ils chiffrent la «perte» à environ 56 000 € par personne entre 1999 et 2017. Sans surprise, ces conclusion­s ont été largement partagées par les partis critiques vis-à-vis de l’Europe, comme le RN ou La France insoumise.

Le curieux modèle australien

Pour parvenir à leurs conclusion­s, les experts du CEP ont cherché des pays hors de la zone euro dont la croissance était proche des pays étudiés. Ainsi, l’Australie et le Royaume-Uni présentaie­nt, entre 1980 et 1999, une croissance quasi similaire à celle de la France. Les chercheurs ont ensuite comparé l’évolution de ces deux pays « cobayes » à celle de l’Hexagone pour estimer les effets de l’euro. Or, cette méthode est fortement critiquée par de nombreux économiste­s. «Il y a plusieurs problèmes, explique Alexandre Delaigue, professeur d’économie à l’université de Lille. D’abord, les auteurs sont obligés d’exclure des “cobayes” les pays qui sont très similaires à la France, puisque ce sont aussi des pays de la zone euro. Ils se retrouvent donc à comparer la France avec l’Australie. Et à partir du début des années 2000, l’économie australien­ne est tirée vers le haut grâce à la Chine, qui a besoin de beaucoup de matières premières.»

Outre cette difficulté de trouver un pays dont l’économie aurait les mêmes caractéris­tiques que la France, l’étude est aussi critiquée pour sa temporalit­é assez courte. Malgré ses limites, elle rappelle qu’il y a toujours des déséquilib­res au sein même de la zone euro, et que ces derniers sont loin d’être résorbés. « La mise en place du marché unique, avec la libre-circulatio­n du capital et du travail a beaucoup joué, estime David Cayla, économiste à l’université d’Angers et membre des Economiste­s atterrés. Elle a conduit à un phénomène de polarisati­on industriel­le : l’industrie s’est concentrée dans quelques pays, comme l’Allemagne, au détriment des autres.» Un «rééquilibr­age» des forces en zone euro supposerai­t une meilleure coordinati­on économique entre les Etats-membres.

 ??  ??
 ??  ?? Sur huit pays étudiés, seulement deux auraient profité du passage à l’euro.
Sur huit pays étudiés, seulement deux auraient profité du passage à l’euro.

Newspapers in French

Newspapers from France