20 Minutes (Strasbourg)

Victimes de commotions cérébrales, des joueurs raccrochen­t les crampons

Victimes de commotions cérébrales, de plus en plus de joueurs décident d’arrêter leur carrière prématurém­ent

- Bertrand Volpilhac

Cela fait désormais plus de deux ans que Cameron Pierce a arrêté sa carrière, et la plupart des symptômes «commencent tout juste à baisser». «Migraines, insomnies, dépression, déséquilib­res, irritabili­té… Je n’arrivais pas à me concentrer dix minutes », détaille l’ancien deuxième ligne canadien de Pau, qui a pris sa retraite à 24 ans en octobre 2016, victime de commotions cérébrales à répétition. Les commotions, le mal du rugby moderne et de son ultrapuiss­ance poussent de plus en plus de joueurs vers une retraite anticipée de peur de jouer le match de trop et d’infliger des dommages irréversib­les à leur cerveau. De quelques cas isolés à la fin des années 2000, on est passé à près d’une dizaine par an de «retraités commotions», comme l’ancien deuxième ligne rochelais Jason Eaton ou le pilier de Brive Petrus Hauman. Pat Lambie, l’ouvreur superstar du Racing 92, a ainsi décidé fin janvier de tourner la page. Dans le processus qui l’a amené à tirer un trait sur sa carrière, Cameron Pierce explique avoir lui-même pris les choses en main après s’être aperçu qu’il avait des syndromes longue durée, «parce que le club ne savait pas trop quoi faire avec moi». Il télécharge le protocole commotion sur le site de World Rugby, prend rendez-vous avec deux neurologue­s et un médecin. «On m’a dit que si je retournais jouer j’allais prendre des pets, et que ça pouvait soit très bien se passer soit être pire qu’avant. Il y a une vie après le rugby, et je ne pouvais pas parier dessus.»

L’affaire Cudmore

«Il y a eu dans le rugby une prise de conscience du problème des commotions depuis 2005, avance le neurologue Jean-François Chermann, spécialist­e des commotions cérébrales dans le milieu sportif. Elles sont désormais vraiment pris en compte par les joueurs, par les entraîneur­s. » Cameron Pierce se souvient par exemple que, pendant sa carrière, un commotionn­é pouvait être raillé dans un vestiaire. « Depuis quelques années, les Anglophone­s ont compris la gravité du problème, explique-t-il. Chez les Français, c’est un peu plus long. Moi, j’ai été jugé, on me disait que je dramatisai­s.» Désormais, le protocole de surveillan­ce post-commotion en place dans le Top 14, c’est un médecin indépendan­t qui établit le diagnostic du joueur sous 48 h, et décide donc d’une certaine manière quand il sera apte à reprendre la compétitio­n. Sans empathie pour le joueur ou sous influence du club. Cameron Pierce valide : « Les joueurs ne peuvent pas décider. Les clubs non plus.» Des clubs, comme Clermont, qui pourraient rapidement se retrouver face à la justice : François Chedru, le neurologue désigné comme expert judiciaire, a rendu son rapport et a conclu que la responsabi­lité du club de Clermont est engagée dans ce qu’on appelle désormais «l’affaire Cudmore». Le Canadien reproche à son ancien club de l’avoir obligé à retourner sur le terrain après avoir subi un choc à la tête lors de la finale de Coupe d’Europe face à Toulon, le 2 mai 2015, alors qu’il « n’était pas apte », selon le Dr Chedru. Dans la foulée de ce rapport, Jamie Cudmore a décidé de porter plainte contre X pour mise en danger de la vie d’autrui.

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En prenant une retraite anticipée, l’ouvreur Pat Lambie a privilégié sa santé.

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