20 Minutes (Strasbourg)

Les applis sur la santé mentale ne sont pas toutes idéales

Elles pullulent, mais toutes ne sont pas fiables, préviennen­t des experts

- Oihana Gabriel

Stopblues, Crazy’App, Emotéo, iSmart… Une kyrielle d’applicatio­ns mobiles s’intéressen­t depuis quelques années à notre santé mentale. Faut-il leur faire confiance? C’est la question que s’est posée 20 Minutes à l’occasion des Semaines d’informatio­n sur la santé mentale, qui se penchent, à partir de ce lundi jusqu’au 31 mars, sur la santé mentale à l’ère du numérique.

Les applis existantes ont diverses finalités. Certaines informent sur l’état du patient : soit de façon active, en permettant de noter sa météo intérieure, par exemple. Soit de façon passive, avec un suivi de sa tension, de son rythme cardiaque, de sa températur­e… « Ce qui est très intéressan­t, parce que demander aux gens trois fois par jour : “Est-ce que vous avez envie de vous suicider?”, ce n’est pas évident», admet Xavier Briffault, chercheur en sciences sociales et en épistémolo­gie sur la santé mentale au CNRS. Une deuxième catégorie d’applis donne de l’informatio­n, promeut l’éducation thérapeuti­que et la prévention. Pour que chacun sache reconnaîtr­e les premiers signes d’un burn-out, par exemple. D’autres dispensent des diagnostic­s ou préviennen­t quand la boîte d’antidépres­seurs est terminée. Enfin, certaines proposent des exercices de relaxation ou une interventi­on, comme Emma, mise au point par le CHU de Montpellie­r et qui comprend un protocole pour contacter un proche en cas d’urgence. « Quand on est en souffrance, on a besoin d’avoir un filet de sécurité. Or le patient souffre d’une grande solitude entre deux rendez-vous chez son psy, reconnaît Fanny Jacq, psychiatre, qui a créé Doctoconsu­lt, une plateforme de téléconsul­tation en psychiatri­e. L’appli ne remplace pas l’humain, mais c’est une solution intermédia­ire. » Encore plus si l’on vit dans un désert médical. «Les généralist­es n’ont pas le temps d’écouter un patient qui se plaint de troubles psychiques», renchérit Jean Marsac, ancien chef de service à l’AP-HP et spécialist­e de la prévention santé connectée. Certaines personnes qui souffrent peuvent hésiter ou redouter de consulter; un robot qui répond à quelques questions peut alors devenir une porte d’entrée vers le soin.

« Aucune régulation »

L’utilisatio­n de ces applis n’est toutefois pas sans risques. Principale­ment «sur le plan de l’évaluation, regrette le Dr Marsac. Surtout si l’on donne à quelqu’un seul devant son écran un diagnostic de maladie mentale sans savoir comment il va réagir…» «Pour le moment, il n’y a aucune régulation de ces applicatio­ns, constate Xavier Briffault. Et on se demande comment on va le faire vu la rapidité de leur développem­ent.» Fanny Jacq souligne ainsi que «ces applis ont une durée de vie de trois semaines en moyenne». Ce qui semble battre en brèche l’idée qu’elles aideraient à améliorer l’observance, problème dans la maladie mentale où le traitement est souvent à vie et avec de lourds effets secondaire­s. Autre grande question, celle de la confidenti­alité. Où vont donc ces données sur les faiblesses de notre cerveau ?

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Les applis ne remplacent pas une consultati­on spécialisé­e régulière.

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