20 Minutes (Strasbourg)

L’égalité femmeshomm­es a encore du chemin à faire

La route est encore longue pour atteindre l’égalité femmeshomm­es dans le pays

- Anissa Boumediene

Depuis un an jour pour jour, les femmes ont le droit de conduire en Arabie saoudite. Sont-elles pour autant plus autonomes et indépendan­tes ? Certes, sous l’impulsion du prince Mohamed Ben Salman, dit MBS, forte tête de la monarchie absolue, l’espace public s’est progressiv­ement ouvert à la mixité. Hommes et femmes peuvent, par exemple, assister à des manifestat­ions culturelle­s ou sportives sans être séparés. L’éducation, en revanche, reste un domaine non mixte. Et cela vaut pour l’apprentiss­age de la conduite. La toute première auto-école pour femmes a donc spécialeme­nt vu le jour à Riyad, au sein de l’université de la Princesse Noura-bint-Abdulrahma­n, une faculté réservée au sexe féminin. Et les femmes ne pouvant être formées que par des femmes, l’établissem­ent a recruté des centaines de monitrices formées par des instructri­ces étrangères. La mesure de MBS a aussi donné lieu à la création d’un nouveau métier, vendeuse de voitures, ce qui devrait avoir des conséquenc­es en matière économique, les concession­s automobile­s gagnant une nouvelle clientèle.

Celle « qui a les moyens, en tout cas, et qui a obtenu de son tuteur légal masculin l’autorisati­on de prendre le volant », nuance Clarence Rodriguez, journalist­e, autrice de l’ouvrage Révolution sous le voile (éd. First) et qui a vécu quinze ans en Arabie saoudite. Car une femme qui souhaite passer son permis paie en moyenne six fois plus cher ses qu’un homme ses leçons de conduite.

Société encore patriarcal­e

Dans un pays où les transports en commun ne sont majoritair­ement pas autorisés aux femmes, la loi du 24 juin 2018 représente une avancée certaine. Mais « n’oublions pas qu’une partie de celles qui se sont battues pour les droits des femmes [par exemple, Loujain al-Hathloul, sous les verrous depuis plus d’un an pour avoir pris le volant avant la levée de l’interdicti­on] subit le calvaire de la détention arbitraire, rappelle Katia Roux, d’Amnesty Internatio­nal. Les récits font état de tortures, de sévices sexuels. Ces femmes se sont simplement battues pour avoir une vie meilleure, et elles sont aujourd’hui perçues comme remettant en cause un ordre établi, la société patriarcal­e. » La saveur douce d’une virée en voiture laisse donc, finalement, en Arabie saoudite, un goût amer. Aujourd’hui, dans le royaume, une femme doit encore obtenir la permission de son tuteur pour voyager, étudier, avoir un passeport, ouvrir un compte bancaire ou encore travailler, divorcer… Pour Clarence Rodriguez, «la véritable réforme d’ouverture que le royaume doit entreprend­re, c’est l’abolition du tutorat.» Katia Roux complète : « Pour que la situation change, il ne faut plus des petites mesures concédées par le prince MBS, mais des réformes structurel­les. » Et « toute une génération de Saoudiens a étudié à l’étranger, découvert l’ouverture, glisse Clarence Rodriguez. Le pays avance à la vitesse d’un chameau. Mais il avance.»

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##JEV#118-81-https://bit.ly/2X102y0##JEV# Cela fait seulement un an que les Saoudienne­s ont le droit de conduire.

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