20 Minutes (Strasbourg)

Victime d’un raid numérique après avoir défendu une amie sur Twitter, elle témoigne

Parce qu’elle a voulu défendre une amie harcelée en ligne, Léa a reçu à son tour des menaces et des insultes

- Propos recueillis par Hélène Sergent * Le prénom a été changé.

«En février, j’ai été la cible d’un premier gros raid numérique et j’ai décidé de passer tous mes comptes en privé, raconte Léa*, 34 ans, vidéaste sur Internet qui s’est régulièrem­ent exprimée sur ses conviction­s féministes ou sur l’environnem­ent sexiste de son milieu profession­nel. Je recevais régulièrem­ent des injures et des messages d’hommes qui niaient les insultes qui m’étaient adressées. Début avril, une de mes amies a, elle aussi, été cyberharce­lée. J’ai retrouvé l’un de ses harceleurs, un lycéen dont le profil était truffé de messages haineux, sexistes, homophobes ou racistes. Il avait mis en ligne certaines informatio­ns personnell­es, qui m’ont permis de trouver le nom de son chef d’établissem­ent. J’ai contacté ce lycéen en lui demandant de s’excuser et de supprimer ses tweets injurieux. Je lui ai expliqué que, s’il refusait, je pouvais contacter ses parents et/ou son proviseur. Il ne l’a pas fait et m’a répondu qu’il pouvait porter plainte contre moi. J’ai donc décidé de contacter son établissem­ent. Il s’est rapproché d’autres internaute­s qui forment une vraie communauté de harceleurs sur les réseaux sociaux. J’ai eu droit à des menaces de mort, de viol, des injures, ils ont fait fuiter mon adresse e-mail et j’ai reçu une salve de haine sur tous mes comptes.

« J’ai dû aller porter plainte »

Pour la première fois de ma vie, j’ai dû aller porter plainte. Le policier n’a pas minimisé les faits. Grâce à l’aide d’internaute­s qui m’ont transmis de nombreuses captures d’écrans d’insultes et de menaces qui m’étaient destinées, j’ai pu apporter au commissari­at deux fichiers numériques qui contenaien­t les copies de 1 496 messages. Dans les jours qui ont suivi ce raid, je n’ai plus dormi, j’avais des crises de larmes, je n’ai pas pu travailler pendant un mois. Peu après, je devais donner une conférence, j’ai pensé que je pouvais me faire agresser. Je n’ai pas eu d’idées noires, mais je ressentais une profonde tristesse et une immense colère.

Je n’ai pas pu me résoudre à quitter les réseaux sociaux, à supprimer mes comptes : ça revenait à leur donner raison, puisqu’ils cherchent à réduire au silence les victimes. Le plus difficile à encaisser, c’est l’inertie de Twitter. Le site a mis plus d’un mois à bloquer l’un de mes harceleurs qui m’avait traitée de pédophile, parce que je m’en prenais à un lycéen. Pouvoir parler de ce que je vivais, accepter les aides et déposer plainte, c’est ce qui m’a sauvée.»

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Léa, vidéaste sur Internet, a été victime d’un raid numérique.

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