Un coproduit de l’huile de palme fait exception fiscale
Les PFAD, un coproduit de l’huile de palme, étaient au coeur des débats au ministère de la Transition écologique, mardi
Des ONG environnementales, des parlementaires, des représentants de Total et la ministre de la Transition écologique, Elisabeth Borne, se sont retrouvés mardi, à l’hôtel de Roquelaure, à Paris (7e), pour évoquer l’approvisionnement de la bioraffinerie Total de la Mède (Bouches-du-Rhône). Mise en service en juillet, la plateforme est destinée à produire des biocarburants en traitant 650000 t d’huiles végétales et de graisses par an. Dans le lot, Total prévoit d’importer 300000 t d’huile de palme, dont la demande mondiale explose, poussant à des déforestations massives, là où la production se concentre, Indonésie et Malaisie en tête. Mardi, il était question des PFAD (distillats d’acide gras de palme), un résidu de la production d’huile de palme brute. « Lors de l’opération de raffinage, ces PFAD sont séparés de l’huile de palme brute par distillation », explique Sylvain Angerand, président de Canopée, association qui lutte contre la déforestation.
Avantage fiscal contesté
En novembre, le Parlement a sorti les essences produites à partir d’huile de palme de la liste des agrocarburants bénéficiant d’un avantage fiscal. Mais, entre-temps, une note technique des douanes, parue le 19 décembre, a fait l’effet d’une douche froide pour les ONG. Le texte indique que les biocarburants produits à partir de PFAD pourront toujours bénéficier du régime fiscal incitatif à l’incorporation des biocarburants au 1er janvier.
La note fait les affaires de Total. La multinationale prévoit d’importer 100 000 t de PFAD, chaque année, pour sa bioraffinerie de la Mède. Une utilisation vertueuse selon le groupe, qui présente ces PFAD comme «des déchets de la production d’huile de palme». Pour Sylvain Angerand comme pour Jérôme Frignet, directeur de programme à Greenpeace France, «les PFAD sont un coproduit de l’huile de palme brute, rien d’autre, et les impacts de son extraction sont aussi dévastateurs sur les forêts indonésiennes». Sylvain Angerand agite une précédente note des douanes, du 17 juin : « Elle précise que les PFAD sont produits à partir de l’huile de palme et que, à ce titre, ils ne bénéficieront plus de la niche fiscale, précise-t-il. Aucune justification sur le fond ne nous a été apportée pour justifier un revirement en quelques mois. Seule la pression de Total permet d’expliquer que l’administration ait fait marche arrière. »
Selon les associations environnementales présentes à l’hôtel de Roquelaure, Elisabeth Borne aurait reconnu « des incohérences dans ce dossier »*. En parallèle, fin décembre, Canopée et les Amis de la Terre ont porté l’affaire en justice, en déposant un recours pour « excès de pouvoir » devant le Conseil d’Etat. Une première audience doit se tenir ce mardi.
* Contacté, le ministère de la Transition écologique n’a pas répondu à nos questions à l’heure où nous bouclons ce journal.