«Les deux pratiques peuvent se servir l’une l’autre»
« Ce qui fait la qualité d’un dessin tient à ce que son auteur n’a pas réussi à résoudre, explique Ugo Bienvenu, dessinateur de Préférence système (éd. Denoël), en compétition officielle à Angoulême cette année. En cela, la tablette est un ennemi : elle nous permet de corriger à l’infini, donc de n’assumer que rarement, si ce n’est l’erreur, l’irrégularité. Selon moi, il est très dangereux de commencer l’apprentissage du dessin par l’ordinateur. Dessiner, c’est assumer ses erreurs. Ce qui constitue notre identité, c’est notre incapacité de ressembler à l’autre, c’est là la beauté absolue de notre travail : assumer que nous ne serons jamais l’autre. Il faut rendre beau ce qui était d’apparence raté, c’est-à-dire nous-mêmes, notre incapacité à effectuer le geste de l’autre.
Une fois ce travail réalisé, la tablette devient intéressante. Elle permet d’accélérer les phases de travail, de se défaire de ces moments pénibles que sont le scan, le traitement des scans, etc. Elle permet aussi de trouver de nouveaux rendus que le papier ne permet pas. Les deux pratiques peuvent se servir l’une l’autre. Pourquoi ne pas bénéficier de leurs apports respectifs ? L’ordinateur est un outil bête, comme les autres. Il y aura sans cesse de nouveaux outils qui créeront de nouveaux vocabulaires. Comme la peinture à l’huile, la gouache, la sérigraphie ont marqué leur temps, l’ordinateur marque le nôtre. A nous d’en faire bon usage.»