Bras de fer engagé entre le patron de la fédération et la ministre des Sports
Soupçonné d’avoir couvert des agressions sexuelles, Didier Gailhaguet s’accroche à son poste
« Didier Gailhaguet ne peut se dédouaner de ses responsabilités. Je lui ai donc demandé de démissionner de son poste de président de la Fédération française des sports de glace [FFSG]. » Lundi, la ministre des Sports, Roxana Maracineanu, a balayé vingt ans d’autorité absolue en une courte allocution. Soupçonné d’avoir couvert plusieurs agressions sexuelles de certains entraîneurs dont il avait pourtant eu connaissance, le tout-puissant président de la FFSG, en place depuis 1998 en dehors d’un court intérim, n’a pas convaincu sa ministre de tutelle.
« Il aurait dû être radié à vie »
Sauf que Gailhaguet, que certains baptisent ironiquement Napoléon dans le privé, n’a pas déposé les armes et a annoncé « réfléchir » à la demande : «J’ai fait des erreurs, pas des fautes. La fédération et ses cadres techniques ne sont pas un ramassis de prédateurs sexuels ayant le viol pour culture, comme l’écrit honteusement L’Obs. Les premiers responsables sont ceux qui ont laissé commettre ces exactions. Je veux bien sûr citer le ministère, la ministre des Sports de l’époque, qui (…) ont permis de laisser des personnes sur la glace dans des sports à maturité précoce, donc plus exposées, alors qu’elles [les personnes responsables] auraient dû être mises hors d’état de nuire. »
« Il n’admettra jamais ses responsabilités, nous avait soufflé un président de club avant cette allocution. Beaucoup ont envie que ça s’arrête, mais les gens ont peur de lui.» Il faut dire que l’immarcescible président de la FFSG a survécu à tout, par exemple au scandale d’arbitrage aux JO en 2002. Didier Gailhaguet s’en était tiré avec trois ans de suspension pour avoir joué à la marchande avec la Russie en échange du sacre du couple Anissina-Peizerat. « Il aurait dû être radié à vie par la fédération internationale, déplore l’ancienne juge MarieReine Le Gougne. Ça fait vingt-cinq ans que j’alerte pour que les gens prennent conscience de ce qu’il est.»
Si tous lui reconnaissent une force de travail formidable, ainsi qu’une très bonne connaissance de sa fédération et du patinage, ses soutiens se font discrets depuis la semaine dernière. Et pour cause, tout le monde ou presque était au courant des exactions de certains coachs, dont Gilles Beyer. « J’ai entendu des bruits », « on m’a dit que »… Ils sont très peu à nous dire qu’ils ignoraient tout, même si tous sont tombés de l’armoire en apprenant les révélations de Sarah Abitbol, qui affirme avoir été violée par Beyer en 1990. S’il promet de lutter, Gwendal Peizerat, opposant de Gaillhaguet, est encore ébranlé par le tsunami des derniers jours : « Malgré tout ça, il y a encore des gens qui pensent aujourd’hui que seul Gailhaguet est capable de diriger cette fédération. » Un point de vue visiblement partagé par l’intéressé.