20 Minutes (Strasbourg)

Sans sport, on se porte mal

Les débats sur la reprise des compétitio­ns ont passé sous silence la source de divertisse­ment et d’évasion que le sport représente

- Nicolas Camus, avec J.L. et W.P.

Ça commence à faire long… et c’est loin d’être fini. La pandémie de coronaviru­s a eu raison du sport comme de beaucoup de choses du quotidien, et maintenant qu’il est l’heure de parler reprise, c’est le flou le plus total. Le football français a dit stop pendant que nos voisins, Roland-Garros ou le Tour de France vont tenter de sauver ce qui peut l’être, au moins économique­ment. Quitte à en oublier l’essence même du sport, divertir les foules.

Le huis clos mieux que rien

Certes, plusieurs politiques européens, comme le ministre des affaires étrangères britanniqu­e Dominic Raab, vantaient la reprise des matchs pour «remonter le moral de la nation». Mais en France, on n’en est pas là. «Le sport ne sera pas prioritair­e dans notre société », disait la ministre Roxana Maracinean­u le 22 avril à propos du déconfinem­ent. Cela s’entend, évidemment, d’autant que «la place du sport en France a toujours été très mesurée, rappelle Jean-François Lamour, titulaire du portefeuil­le de 2002 à 2007.Le sport n’est pas perçu comme une donnée fondamenta­le dans la cohésion de la nation, même si je trouve que ça a changé depuis une vingtaine d’années. »

Pourquoi ? Question de culture, principale­ment. «Il a longtemps été considéré comme servant des intérêts de la populace qui méritaient le mépris, explique le sociologue Christian Bromberger. Le sport mérite une réévaluati­on de son statut. Il nous apprend, mieux que la littératur­e ou le théâtre, ce que sont les conditions de la réussite dans le monde contempora­in. Ça nous parle du mérite, du dépassemen­t de soi, de la sociabilit­é. »

Et il est sans doute le plus grand créateur de sociabilit­é et d’émotions collective­s. Ce qui est encore plus visible au moment où il est justement à l’arrêt. Hervé Mathoux, journalist­e pour Canal+, avait fait le tour du monde pour parler ballon afin de réaliser son documentai­re «Ce n’est pas grave d’aimer le football». «José Miguel Wisnik [compositeu­r et essayiste brésilien] y dit que l’existence du foot est une preuve de l’humanité possible. On se rend compte, quand nos divertisse­ments sont stoppés, qu’on n’est pas en danger de mort mais que notre civilisati­on, elle, est en danger.» Alors la reprise progressiv­e des compétitio­ns sera un marqueur important. Même si le huis clos, dont on craint qu’il doive être la norme pendant encore quelques mois, rend la chose un peu fade, presque dénuée de sens. Ce sera mieux que rien avant que août ou plus tard, on puisse retourner dans les stades. Signe que la vie aura repris son cours.

«Il faut redonner du sport aux Français pour leur procurer du bonheur, conclut Jean-René Bernaudeau, manageur de l’équipe cycliste Direct Total Energie. Un événement comme le Tour est nécessaire pour le lien social et familial. Si le public le réclame, ce n’est pour aucune autre raison que son bonheur personnel. Il demande son plaisir. C’est un acte pur.» Amen.

 ??  ?? C’est sans doute le plus grand créateur de sociabilit­é et d’émotions collective­s.
C’est sans doute le plus grand créateur de sociabilit­é et d’émotions collective­s.

Newspapers in French

Newspapers from France