La minimisation du Covid-19 par le pouvoir inquiète
Trois personnes vivant la crise sanitaire depuis le Brésil racontent l’inquiétude des habitants face à la gestion de la pandémie
On savait le Brésil polarisé, avec une population divisée par les inégalités et, depuis janvier 2019, par un président. Jair Bolsonaro, adoré par 30% de la population, honni par une autre partie. L’épidémie de coronavirus semble souligner encore un peu plus les oppositions. Le pays, qui compte 210 millions d’habitants, a enregistré 38 700 morts, un nombre que certains spécialistes considèrent comme sous-évalué, faute de tests en nombre suffisant. La désinformation étatique, les manifestations pro et anti-Bolsonaro laissent penser que le pays serait à un tournant. « Contrairement à ce qu’on peut imaginer, la riposte sanitaire a été bien menée, explique Christian Pouillaude, blogueur français résidant à Rio. Début mars, le ministère de la Santé a organisé un plan de lutte contre la pandémie. Le 17 mars, le confinement a commencé à Sao Paulo et Rio. Le masque était obligatoire à Rio avant la France ! Parallèlement, Bolsonaro sortait ses inepties. Mais, dans les faits, il laissait faire son ministre. » Depuis, deux ministres ont été remerciés, notamment pour leur opposition à la chloroquine. Et deux militaires sont aujourd’hui à la tête du ministère pour gérer la pandémie.
«Les bolsonaristes ont fait du Covid une “petite grippe”. » Julia Otero, native de l’Etat de Rio
Certains maires et gouverneurs d’Etats se sont opposés à Bolsonaro et ont imposé certaines restrictions. Mais jamais de sanction. Ce double, voire triple discours, a accentué la confusion. Julia
Otero, 35 ans, devait rentrer à Paris, où elle habite, après un séjour à Niteroi, sa ville natale dans l’Etat de Rio. Mais son vol retour du 20 mars a été annulé. Elle est donc restée brésilienne pendant cette période compliquée. « Même si les médias grand public ont fait connaître l’importance du confinement et du port d’un masque, de nombreuses personnes, en particulier les partisans du président, ont ignoré les règles, souligne-t-elle. Les fake news jouent également un grand rôle dans la désinformation : les bolsonaristes ont fait du Covid une “petite grippe” et ont fait croire qu’elle avait été propagée par les médias traditionnels.»
A Sao Paulo, l’Etat le plus peuplé et principal foyer de contamination, les commerces ont rouvert début juin. Les églises aussi. Des décisions inquiétantes alors que le géant sud-américain est le deuxième pays au monde en nombre de contaminations, et le troisième le plus endeuillé. « La majorité de la population est effrayée : les hôpitaux sont remplis, les cimetières au bord de la saturation», raconte Augusta Lunardi, journaliste brésilienne à Sao Paulo. Alors que Bolsonaro nie toujours la mortalité élevée de la pandémie, une étude de l’université de Washington prévoit 125 000 décès d’ici le mois d’août.