Les écueils de l’accueil d’urgence
Selon une étude de Médecins sans frontières, plus d’une personne en grande précarité sur deux a été infectée
Les chiffres sont vertigineux. Mardi, l’association Médecins sans frontières (MSF) publiait les résultats d’une étude épidémiologique inédite. Menée en juin-juillet en Ile-de-France auprès de personnes en situation de grande précarité – pour la plupart des migrants –, elle révèle que plus d’une personne démunie sur deux a été infectée par le coronavirus. Dans les centres d’hébergement d’urgence, le taux de positivité atteint 50,5 %, et 88,7 % dans les foyers de travailleurs migrants. Comment expliquer de tels chiffres? Pour Corinne Torre, cheffe de mission à MSF, le manque d’informations et la prise en charge de ces populations vulnérables ont pu agir lourdement sur les taux de contamination. «Au début de l’épidémie, on a essayé de faire des consultations et des prédiagnostics, explique-t-elle. Mais on s’est rendu compte que certaines personnes cachaient leurs signes cliniques de peur de perdre leur place en hébergement d’urgence. »
Les résultats de cette étude n’ont guère surpris les acteurs du secteur. « Ces chiffres correspondent aux remontées de notre réseau», explique Florent Guéguen, à la tête de la Fédération des acteurs de la solidarité, qui regroupe 850 associations de lutte contre l’exclusion. Selon lui, très peu de centres ont pu assurer des dispositifs de prise en charge des malades ou des personnes symptomatiques : «Ces établissements ne peuvent pas toujours proposer des chambres individuelles ou des sanitaires privatifs. Cela a créé des difficultés. » Pour autant, des efforts ont été faits pour désengorger ces centres et augmenter les capacités d’accueil des personnes sans-abri et des migrants en attente de régularisation de leur situation : « Vingt mille places d’hébergement ont été ouvertes pendant le confinement, estime Florent Guéguen. Ensuite, il y a eu l’ouverture des centres Covid+, qui ont permis de diminuer le nombre de clusters. Mais il faudrait les réactiver, vu la montée en flèche de l’épidémie. »
Pour les associations, l’inquiétude demeure. La stratégie d’évacuation des campements, privilégiée par les autorités en Ile-de-France comme dans d’autres régions, a montré ses limites dans un contexte de crise sanitaire. «Plusieurs milliers de personnes ont été expulsées après la trêve hivernale intervenue fin juillet, raconte Florent Guéguen. Outre les conséquences sociales, il y a des conséquences sanitaires : les gens se dispersent, les équipes mobiles sanitaires qui avaient l’habitude d’intervenir sur ces campements arrêtent de le faire. C’est propice aux contaminations.»
Très peu de centres d’hébergement ont pu prendre en charge des malades.