La France légifèret-elle trop vite contre la haine en ligne ?
Le volet numérique du projet de loi contre le «séparatisme» doit être adopté ce mardi à l’Assemblée nationale
« Il y a urgence. » Le 10 février, devant les députés, le secrétaire d’Etat au Numérique, Cédric O, a une nouvelle fois insisté sur la nécessité de lutter contre la haine en ligne. Soucieux «d’agir vite», le gouvernement a déposé une série d’amendements dans le cadre du projet de loi sur le « séparatisme», qui sera adopté ce mardi à l’Assemblée. Un volet numérique a été ajouté, dont le contenu est directement inspiré d’une législation européenne présentée en décembre, le Digital Services Act (DSA). Porté par le commissaire européen Thierry Breton, le DSA entend imposer « à tous les services numériques le devoir de coopérer » pour retirer des contenus identifiés comme dangereux (discours de haine, terrorisme, pédopornographie…). Très attendu, le projet européen n’en est pourtant qu’au tout début de son processus législatif, puisque son adoption n’est pas attendue avant 2022.
Pour certains députés, pourtant, l’anticipation française pose problème. Frédérique Dumas, élue des Hautsde-Seine (Libertés et Territoires), s’est ainsi inquiétée : « Comment ferez-vous pour transposer un texte qui n’est pas complètement prêt ? » Dans un avis rendu le 4 février, la CNCDH (Commission nationale consultative des droits de l’homme) a, elle aussi, appelé le gouvernement à attendre la fin des débats européens pour s’attaquer à ce sujet.
«Tout ce qui figure dans l’article 19 bis figure dans le texte européen, explique la rapporteuse thématique du projet de loi sur le “séparatisme”, Laetitia Avia, auprès de 20 Minutes. Nous avons justement attendu la présentation de ce texte pour pouvoir proposer une réplique dans la loi française.» Depuis des mois, la France ferraille à l’échelle européenne pour défendre une législation plus stricte à l’égard des plateformes. Un travail de lobbying qui a amené la commission à présenter un Digital Services Act qui correspond aux attentes de l’exécutif français. «On va suivre l’évolution des discussions puisque le texte sur le “séparatisme” doit encore être débattu au Sénat, mais je ne pense pas qu’il y aura de problèmes particuliers, analyse une source européenne contactée par 20 Minutes. En l’état, les deux projets sont alignés.» Pour rester en «conformité» avec le droit européen, le gouvernement a ajouté une garantie supplémentaire : « On a fixé une clause de fin de validité de notre texte au 31 décembre 2023, précise Laetitia Avia. L’idée, c’est de dire : “Il y a urgence, mais dès qu’il y aura un règlement européen, il viendra écraser le droit français.”»
La France ferraille à l’échelle européenne pour défendre une législation plus stricte à l’égard des plateformes.