20 Minutes (Strasbourg)

Caroline De Haas

«La drague lourde, c’est du harcèlemen­t sexuel »

- Propos recueillis par Aude Lorriaux

L’activiste Caroline De Haas sort En finir avec les violences sexistes et sexuelles (éd. Robert Laffont), un « manuel d’action », comme l’indique son sous-titre, pour mettre fin, collective­ment, à un problème politique et social. 20 Minutes a rencontré son autrice.

Les gens confondent souvent drague (parfois dite « lourde ») et harcèlemen­t sexuel…

Je crois que la drague lourde, ça n’existe pas. C’est du harcèlemen­t sexuel. Il y a un mythe selon lequel le harcèlemen­t sexuel serait de la drague appuyée. La réalité, c’est que soit on est dans un rapport de respect, soit on ne l’est pas. La drague n’atteint pas la dignité. C’est dangereux de mélanger ce qui relève des relations humaines consenties et ce qui relève des violences. Au sein des violences, il y a une déqualific­ation permanente. Quand on parle de harcèlemen­t sexuel, on a l’image de la main aux fesses, alors que c’est une agression sexuelle. Quand les gens voient du harcèlemen­t sexuel, ils se disent, « c’est un propos sexiste ». Et quand ils entendent un propos sexiste, ils se disent, « c’est une blagounett­e ». Dans votre livre, vous vous souvenez d’une étudiante qui vous a dit qu’elle pensait avoir été violée par son ami, « à cause de ses boucles d’oreille »… C’est un truc très fort. La société réussit à faire croire aux victimes que c’est de leur faute. Je suis effrayée par la force de ce mécanisme. Et c’est tout le temps. Il n’y a pas une histoire de violence qu’on m’a racontée où il n’y avait pas d’inversion de la culpabilit­é. Qu’est-ce que c’est ? C’est le fait de faire penser à la victime qu’elle est en partie ou totalement responsabl­e des violences qu’elle a subies. Parce qu’elle était habillée comme cela, qu’elle a dit telle chose… C’est, par exemple : « Oui, c’est vrai, il t’a mis une main aux fesses, mais tu avais vu ta jupe. »

Longtemps les féministes se sont moquées de l’expression « On ne peut plus rien dire ». Pourtant, aujourd’hui, vous reconnaiss­ez que le monde a en partie changé ? Le monde bouge, c’est clair. Quand j’ai créé le mouvement Osez le féminisme en 2010, le titre des réunions que j’organisais à l’époque, c’était : « A quoi bon être féministe en 2010 ? » Aujourd’hui, quelqu’un organisera­it une réunion avec un titre de thème pareil, on penserait que c’est la Manif pour tous ! Dans les librairies, il y a des rayons « féminisme » dans tous les sens. La réalité est qu’on n’a pas réussi à faire baisser le niveau de violence. Mais je suis blindée d’optimisme. C’est un choix politique, j’ai choisi d’être optimiste.

«La réalité est qu’on n’a pas réussi à faire baisser le niveau de violence. »

 ??  ?? «C’est un choix politique, j’ai choisi d’être optimiste», confie la militante.
«C’est un choix politique, j’ai choisi d’être optimiste», confie la militante.

Newspapers in French

Newspapers from France