«La problématique palestinienne n’a pas disparu»
Le politologue Dominique Moïsi explique la flambée de violences à Jérusalem
La tension continue de monter en Israël et à Gaza. Mardi, le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a déclaré que l’armée allait «intensifier» ses attaques contre le Hamas après la mort de deux Israéliennes tuées par des roquettes tirées depuis la bande de Gaza. Alors que les heurts à Jérusalem ont fait environ 500 blessés depuis lundi, au moins 28 personnes, dont des enfants, ont été tuées à Gaza. Dominique Moïsi, politologue à l’Institut Montaigne et spécialiste d’Israël, revient sur les origines de ce nouvel embrasement.
Pourquoi y a-t-il une hausse des tensions à Jérusalem ?
Il y a au départ l’expulsion par des familles juives de familles palestiniennes de leur maison dans le quartier Est de Jérusalem. Selon la loi israélienne, si des juifs peuvent prouver que leur famille vivait à Jérusalem-Est avant la guerre de 1948, ils ont accès aux propriétés. Mais ce droit au retour est valable uniquement pour les Israéliens, ce qui crée beaucoup de tensions. Par ailleurs, Israël n’arrive pas à se constituer un gouvernement, ce qui est source d’instabilité politique, tandis que l’Autorité palestinienne est absente.
En quoi ce conflit est-il particulier ?
Nous sommes passés d’un conflit national, lors des première et deuxième intifadas avec la volonté d’un Etat palestinien, à un conflit avec une dimension plus religieuse. Aujourd’hui, c’est davantage les musulmans et les Arabes contre les juifs que les Palestiniens contre les Israéliens. Cette évolution est plus préoccupante.
Le changement de politique américaine, avec un Joe Biden moins complaisant envers Israël, peut-il également expliquer les tensions ?
Je ne suis pas certain, car on voit bien que l’administration Biden est très prudente sur le sujet. Elle vient de bloquer une résolution au Conseil de sécurité de l’ONU qui aurait condamné Israël.
Comment la situation risque-t-elle d’évoluer ?
Toute la question est de savoir si nous sommes à la veille de la troisième intifada, ou si les souvenirs laissés par la seconde sont tellement négatifs que, le sang ayant trop coulé hier, on évitera de le faire couler demain. Le rapport des forces est-il devenu trop inégalitaire ? En tout cas, la problématique palestinienne n’a pas disparu, et il est difficile de savoir vers quelle solution les deux camps trancheront. Nous sommes sur une ligne de crête imprévisible.