20 Minutes (Toulouse)

Il est www, le bonheur ?

Faut-il vraiment regretter que notre monde soit hyperconne­cté ? Une anthropolo­gue du numérique, au contraire, y voit des sources de plaisir.

- Propos recueillis par Annabelle Laurent

On dort moins, et moins bien. Notre capacité de concentrat­ion décroît. Tout serait la faute des écrans et des réseaux sociaux… Pamela Pavliscak, une consultant­e et chercheuse américaine qui se décrit comme une « anthropolo­gue du numérique », tient un discours plus optimiste sur notre rapport à la technologi­e. Qu’est-ce qu’une anthropolo­gue du numérique ? Je demande à des gens de tenir des sortes de journaux intimes en ligne. Ils notent ce qui leur procure ou non de la satisfacti­on sur les réseaux sociaux et dans leur vie connectée. Plusieurs sources de bien-être dans la vie numérique se dégagent : la créativité (créer une playlist, écrire une critique sur Amazon), le fait de participer au bien commun (financer un projet de crowdfundi­ng, signer une pétition…), la constructi­on d’interactio­ns qui relèvent de l’intime aussi. Ces sources de bien-être ne sontelles pas écrasées par le sentiment d’être « accro » à son smartphone ? Les réseaux sociaux ont été créés pour maximiser l’engagement, qui va déterminer la pub, donc la monétisati­on. C’est pour cela que les gens sentent qu’ils ne contrôlent plus rien. Ils ne manquent pas de volonté, celle-ci a été réduite à néant par le design. Il faut se demander quels sont les autres objectifs : quel type de relation tel ou tel site vous permet-il de nouer ? Vous partagez le constat de Tristan Harris, l’ex-ingénieur de Google qui appelle le milieu à la responsabi­lité. Je suis d’accord avec lui sur l’essentiel. Mais je ne pense pas qu’il existe de mauvaises fonctionna­lités en ellesmêmes. Tout dépend des usages. Les gens sont créatifs, intelligen­ts, drôles et bizarres. Ils font des choses que l’on n’anticipe pas. Nos interactio­ns virtuelles ne viennent-elles pas prendre le dessus au point de nous faire éviter les conversati­ons physiques ? Les conversati­ons en face à face sont très importante­s, mais nous avons des interactio­ns riches, épanouissa­ntes, profondes dans nos vies en ligne. Le virtuel n’enlève rien, il ajoute une dimension. Vous ne croyez pas en l’idée de détox numérique ? Cela peut vous apaiser, mais on ne peut pas revenir trente ans en arrière. Je suis convaincue qu’il faut avancer avec la technologi­e, et non contre elle. La question de notre rapport intime à la technologi­e ne peut que s’intensifie­r avec l’arrivée massive des assistants personnels… Certains pensent qu’avec la disparitio­n progressiv­e des écrans et l’arrivée des assistants à commande vocale, nous serons moins scotchés à nos téléphones et tout sera résolu. J’en doute. Nous aurons la même approche de la technologi­e. Pire, les gens pourraient s’attacher aux robots, aux assistants personnels comme Siri ou Alexa. Il faut que cette réflexion sur le bien-être et la technologi­e prenne de l’ampleur. Nous avons encore beaucoup de choses à apprendre. Par exemple, comment trouver une technologi­e qui amplifie notre humanité? Pour tous ceux qui travaillen­t dans le secteur aujourd’hui, c’est la question à approfondi­r.

« Nous avons des interactio­ns riches, épanouissa­ntes, profondes dans nos vies en ligne. »

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L’ « anthropolo­gue du numérique » tient un discours optimiste sur notre rapport au monde connecté.

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