Protection majeure
« 20 Minutes » s’est rendu dans un camp du Kurdistan irakien, où un centre, mis en place par des ONG, vient en aide aux mineurs, proies privilégiées de Daesh et des milices.
Il n’y a plus de stade à Debaga. Juste un alignement de tentes qui s’étend entre les deux tribunes, là où, jadis, on imagine, étaient plantés deux buts de foot. Il y a quelques mois encore, au plus fort de la crise, jusqu’à 40000 Irakiens ont fui Daesh et la guerre pour atterrir dans ce petit village du Kurdistan irakien, à une centaine de kilomètres de Mossoul. « Normalement, il y a toujours des jeunes pour jouer au foot ou au volley », lance Anja Smid, en descendant de sa voiture. Mais, en ce début février, il fait trop gris et trop froid pour traîner dehors. La cheffe de projets pour l’ONG Terre des hommes Italie se dirige alors sous la tribune. Très vite résonnent les rires d’adolescents amassés autour d’une table de ping-pong et d’un babyfoot. A côté se déroulent un cours d’anglais et un autre d’informatique. L’endroit grouille de vie. « C’est le Youth Center », présente Anja Smid. Un exemple concret de ce sur quoi vont se pencher, ce mardi à Paris, les délégations de 70 pays venues pour la conférence internationale sur la protection des enfants en zones de guerre (lire ci-dessous). « A Debaga, l’une des missions des ONG est d’identifier les enfants arrivés seuls au camp », poursuitelle. Or, l’été dernier, les humanitaires ont constaté que de plus en plus d’adolescents non accompagnés arrivaient au camp. La rumeur a rapidement enflé : les milices kurdes, qui combattent Daesh, en profiteraient pour recruter leurs nouveaux membres. « Ces jeunes sont des proies faciles, explique Anja Smid. Beaucoup ont perdu un membre de leur famille tué par Daesh, et s’engager dans les combats est la perspective de toucher un salaire. Ces milices paient bien. » D’où l’idée de créer Youth Center, avec l’appui de l’Unicef et du Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR). Jusqu’à 300 garçons ont vécu à Debaga. Venus pour la plupart des environs de Markmurt et Al-Qayyarah, deux villes aujourd’hui reprises à Daesh, « de nombreux jeunes ont pu regagner leurs maisons », indique Abdulwahid, psychologue au Youth Center. Malgré tout, le centre n’est pas près de fermer. Seize adolescents y dorment toujours, suivent des cours la journée et participent à des activités en tout genre. Une façon de les tenir loin des combats et de la mort probable qui les attendait en rejoignant les milices. Une façon de reconstruire leurs vies cabossées par des mois, voire des années, à vivre sous Daesh. Hamid, 16 ans, décrit les exécutions publiques, les cours de maths passés à apprendre « qu’1 balle + 2 balles = 3 balles » et les privations : « Chez moi, il n’y avait plus d’électricité, plus de travail, de moins en moins de nourriture et tout devenait plus cher. » Les sourires affichés autour de la table de ping-pong pourraient laisser croire que le retour à la normale sera rapide. « C’est plus compliqué que ça, tempère Abdulwahid. L’anxiété transparaît souvent dans les comportements. Le manque d’assurance des enfants, les fréquents cauchemars, l’incapacité, parfois, à dormir plus de quatre heures par nuit. » Daesh a tout fait pour « instrumentaliser les enfants dans les conflits », observe un membre d’Unicef Irak. Un autre point sur lequel pourra se pencher la conférence de ce mardi.
Des cours de maths à apprendre que « 1 balle + 2 balles = 3 balles. »
Hamid, 16 ans