Lubin, le stadiste miraculé de la Grande Guerre
Revenu borgne de la guerre de 14-18, le deuxième ligne a marqué l’histoire du club
La vie de Marcel-Frédéric LubinLebrère (1891-1972) tient du roman. Ce miraculé de la Première Guerre mondiale, dont on célèbre l’armistice samedi, a rejoué avec le XV de France et le Stade Toulousain malgré la perte d’un oeil, bien avant le Briviste Florian Cazenave.
La voix des morts. Tous les 11 novembre, Lubin répondait à la place de ses anciens coéquipiers, tombés pour la France, au monument aux morts de l’Héraklès, bâti en 1925. Quatre-vingtun jeunes Rouge et Noir ont succombé au cours du premier conflit mondial. Le natif d’Agen a quant à lui été laissé pour mort dans la Somme, avec plusieurs balles dans le corps et un oeil en moins. Récupéré par l’ennemi allemand, Lubin reviendra à Toulouse. « C’était un fort personnage au gabarit impressionnant pour l’époque
[1,81 m, 92 kg], avec une voix de stentor », se rappelle Henri Fourès (92 ans), président de l’association des Amis du Stade Toulousain.
Un champion, avant et aprèsguerre. Le deuxième ligne aux 15 sélections a débuté en 1914 avec le XV de France. Il retrouvera les Bleus de 1920 à 1925. Malgré son handicap, il gagnera aussi trois titres de champion de France avec Toulouse (1922, 1923 et 1924), où il était arrivé en 1913. « Jusqu’à sa mort, il est resté dirigeant du club, relève Henri Fourès. Il assistait à tous les entraînements. C’était le vrai Toulousain, franc et droit. »
Anecdotes. Employé municipal, puis salarié d’une briqueterie, Lubin a hérité du surnom de « M. le Maire ». Selon le journaliste Jean-Louis Lafitte, tout serait parti d’une blague de ses coéquipiers du XV de France, qui l’avaient présenté comme tel lors de la réception d’après-match à Twickenham, en Angleterre, le 31 janvier 1920. Deux mois plus tard, le Stadiste se retrouvera (brièvement) en prison à Dublin, en marge d’Irlande-France. En balade dans la ville, ce fervent patriote s’était joint à un groupe de personnes qui chantait La Marseillaise. Le Toulousain ignorait qu’il s’agissait de républicains irlandais : les indépendantistes avaient fait de l’hymne français un symbole de leur lutte contre l’occupant britannique…