20 Minutes (Toulouse)

« Mieux former les juges »

- * Le prénom a été changé. H. S.

Epaulée par le Comité contre l’esclavage moderne (CCEM), Leila dépose plainte le 25 octobre 2006 pour rétributio­n inexistant­e, soumission d’une personne vulnérable à des conditions de travail et d’hébergemen­t contraires à la dignité humaine, abus de la situation de faiblesse d’un mineur, aide à l’entrée et au séjour irrégulier d’un étranger et travail dissimulé. La première étape d’un interminab­le processus judiciaire. Le combat de Leila a en effet duré douze ans. Il a été marqué par une ordonnance de non-lieu et deux pourvois en cassation avant d’aboutir au renvoi de cette affaire devant le tribunal correction­nel de Nanterre. Le procès de celle qui l’a exploitée doit s’ouvrir ce lundi. Aujourd’hui âgée de 32 ans et mère de deux enfants, Leila attend beaucoup de cette audience. « Cette situation a laissé des traces, au-delà des cicatrices sur son corps », souligne Juliette Vogel. Et cette dernière de déplorer « les difficulté­s de la justice à appréhende­r ces dossiers » : « C’est très souvent la parole de l’un contre la parole de l’autre. Mais, sur ce sujet-là, comme pour l’exploitati­on sexuelle, il faut une meilleure formation de certains magistrats instructeu­rs. Ils ont parfois du mal à accepter que cela puisse exister chez nous, en France. Pourtant c’est le cas. » En 2012, l’Organisati­on internatio­nale du travail (OIT) estimait qu’il existait en France 270 000 victimes de la traite d’êtres humains. Des drames qui se déroulent souvent à huis clos et qui ont longtemps peiné à mobiliser. La loi du 5 août 2013, caractéris­ant l’infraction, a eu pour effet une « améliorati­on » dans la prise en compte législativ­e et judiciaire des cas de traite domestique, reconnaît Sylvie O’Dy, vice-présidente du Comité contre l’esclavage moderne (CCEM). Mais « regrouper des preuves est très dur, souligne Florent Boitard, de l’Union syndicale des magistrats. Les victimes sont souvent dans des situations de faiblesse et ne parlent pas toujours français. » En 2015, 71 condamnati­ons liées à la traite des êtres humains ont été prononcées. Mais, parmi elles, aucune infraction de réduction en esclavage ou de travail forcé n’a été recensée. Selon la Mission interminis­térielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (Miprof), un nouveau plan d’action national de lutte « davantage axé sur l’esclavage domestique » devrait être présenté dans les prochains mois.

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