20 Minutes (Toulouse)

Les Corées calment le jeu

Pour le lancement des JO d’hiver de Pyeongchan­g, la Corée du Nord et la Corée du Sud défileront ce vendredi sous la même bannière. Un premier signe de rapprochem­ent entre les deux frères ennemis.

- De notre envoyé spécial en Corée du Sud, William Pereira

On s’attendait à une menace nucléaire, mais c’est la fleur au fusil que la Corée du Nord attaquera les JO de Pyeongchan­g, qui commencent ce vendredi. Kim Jong-un a décidé, le 9 janvier, que son pays participer­ait aux Jeux d’hiver 2018. Au total, ce sont 22 sportifs nord-coréens qui seront présents de l’autre côté de la frontière. Mieux, les deux Corées défileront sous la même bannière. Mais ce rapprochem­ent ne permet pas de lever tous les doutes.

Peut-on assister aux Jeux de la paix ?

La réponse est évidente : non. Si on pouvait résoudre un conflit en envoyant des athlètes aux JO, il y a bien longtemps que les colombes parcourrai­ent les cieux, rameau dans le bec. « C’est bien de voir la Corée du Nord à Pyeongchan­g, mais c’est pas extraordin­aire », affirme Juliette Morillot, spécialist­e de la péninsule coréenne et auteure de Le Monde selon Kim Jongun, guerre ou paix ? (Robert Laffont). Effectivem­ent, les deux Corées ont déjà défilé sous un drapeau unique aux Jeux de Sydney (2000), Athènes (2004) et Turin (2006). « Le fond du problème reste la question nucléaire, indique Antoine Bondaz, chercheur à la fondation pour la recherche stratégiqu­e et spécialist­e de la question coréenne. Le rapprochem­ent ne va pas tout régler. »

Quels sont les intérêts nord et sud-coréens ?

Si les frères ennemis se rapprochen­t, c’est que chacun y trouve son compte. « Pour la Corée du Sud, il s’agit de s’assurer que les JO se passent bien et de favoriser la reprise du dialogue avec le Nord, assure Antoine Bondaz. Pour ces derniers, il y a l’idée de donner une meilleure image, mais aussi une volonté de montrer que la Corée entière organise les JO. » Mais il n’y a pas que ça. En se rapprochan­t l’un de l’autre, les deux pays instaurent un dialogue direct. « C’est un pied de nez de Pyongyang à Donald Trump, dans le sens où ce dernier est marginalis­é », explique Juliette Morillot.

A quoi ressembler­a l’équipe de hockey sur glace unifiée?

A une immense tour de Babel. Si les deux Corées ont gardé le même alphabet, leurs langues ont emprunté des chemins différents, notamment sur le langage sportif, marqué par les nombreux anglicisme­s. Le patinage, skating en anglais, est devenu seu-ke-ee-ting à Séoul, là où il est devenu apuro jee chee gee au Nord. Pour escalader cette barrière linguistiq­ue, les dirigeants de l’équipe réunifiée ont dressé une liste de tout ce vocabulair­e et l’ont distribuée aux joueuses avant leur premier entraîneme­nt. Au niveau de l’ambiance, ça ne se passe pas mal : l’agence sud-coréenne News1 évoque une atmosphère « sérieuse mais amicale », où les hockeyeuse­s nord-coréennes ont fait preuve d’une « grande concentrat­ion et déterminat­ion à se battre » pour l’équipe.

Pourquoi une parade nord-coréenne en grande pompe ?

Les 22 sportifs nord-coréens ne marcheront pas seuls à Pyeongchan­g. Plus de 230 pom-pom girls, des artistes, des journalist­es et une équipe de démonstrat­ion de taekwondo les épauleront tout au long de leur périple. « La présence de performeur­s et de sportifs qui n’ont rien à voir avec les JO n’est pas innocente, explique Antoine Bondaz. Le fait d’avoir des personnes sur place leur permettra de prendre de nombreuses photos qui seront utilisées pour la propagande. » Là encore, simple question d’image. « La Corée du Nord veut montrer son excellence à l’internatio­nal. C’est une démonstrat­ion de bon élève de la part de Kim Jong-un », analyse Juliette Morillot.

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A Pyeongchan­g, le 7 février.
 ??  ?? Il y a quelques problèmes de communicat­ion au sein de l’équipe unifiée des deux Corées, en hockey sur glace.
Il y a quelques problèmes de communicat­ion au sein de l’équipe unifiée des deux Corées, en hockey sur glace.
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