Les attentats du 13-Novembre dans toutes les têtes
Le défi est de juger Abdeslam sans penser au 13-Novembre
«Couard », « opportuniste », « lâche »... Jeudi à Bruxelles, les avocats des policiers visés par la fusillade du 16 mars 2016 lors d’une perquisition à Forest (Belgique) ont lourdement chargé les prévenus. En particulier celui qui a « brillé par son absence » : Salah Abdeslam. Jugé au côté de Sofien Ayari pour tentative d’assassinat sur plusieurs policiers et port d’armes prohibées dans un contexte terroriste, le Français de 28 ans avait, lundi, exprimé son refus de ne pas assister à la dernière journée du procès.
Aucune « envie de mourir »
Consacrée aux plaidoiries des avocats des parties civiles et de la défense, l’audience a tourné et retourné autour de cette inextricable question : comment dissocier les faits reprochés aux prévenus, la fusillade, des attentats de Paris et Saint-Denis, fin 2015? Méticuleusement, Sven Mary, l’avocat de Salah Abdeslam, seul membre encore en vie des commandos djihadistes du 13-Novembre, a exhorté les juges à ne pas retenir le caractère « terroriste » des tirs échangés à Forest lors de la perquisition menée, elle, dans le cadre d’une enquête sur les attentats. Pour l’avocat belge, ils n’avaient pas pour objet « d’intimider gravement une population » ou de « porter atteinte » au pays. Un axe de défense suivi par les conseils de Sofien Ayari. Selon Isa Gultaslar, si les tirs s’étaient véritablement inscrits dans un contexte terroriste, son client et son acolyte n’auraient pas pris la fuite, mais auraient fait en sorte de « mourir en martyrs ». « Or, une chose est sûre : ils ne voulaient ni mourir ni faire de carnage plus effroyable. » « Inconcevable » ou « fantaisiste », cet élément a été unanimement balayé par la partie civile. « Il est évident que M. Ayari, qui n’a aucune attache en Belgique, s’y est rendu pour participer à la préparation d’attentats, a insisté l’une des avocates des policiers blessés, Valérie Lefevre. Il a joué un rôle beaucoup plus important qu’il ne veut le dire (…) Il prétend qu’il n’a rien à voir avec les attaques en Europe, qu’il ne connaît pas les personnes avec lesquelles il passe pourtant 24 h/24 dans les planques et qu’il est ici uniquement parce qu’il voulait revenir en Syrie. » « Le drapeau noir [trouvé dans l’appartement], c’était pas un drapeau d’Anderlecht [commune de Bruxelles], je crois (…), mais ça, on ne peut pas en parler? On ne peut pas parler de contexte terroriste? » a lancé Me Tom Bauwens. Chargée de porter l’accusation, Kathleen Grosjean avait elle aussi longuement évoqué, lundi, les lettres revendicatives de Salah Abdeslam trouvées dans l’appartement, ou encore son rôle dans la logistique des attentats de Paris. Elle avait alors requis à l’encontre des prévenus vingt ans de prison, dont treize années de sûreté. Le jugement doit être rendu en avril.