20 Minutes (Toulouse)

« Il est peu probable » que la faille qui autorise le THC, principal composant psychoacti­f du cannabis, soit exploitée

Cannabis Le chercheur Renaud Colson a découvert que le THC avait été autorisé en France en toute discrétion

- Propos recueillis par Thibaut Chevillard

Oh, la boulette ! Alors que l’Etat mène une lutte sans relâche contre le cannabis, Renaud Colson a découvert que le principal composant psychoacti­f de la plante, le THC, avait été autorisé en France, a révélé Libération. Le maître de conférence­s en droit à l’université de Nantes et chercheur à l’Institut universita­ire sur les dépendance­s de Montréal estime toutefois que cette faille serait « difficile à exploiter » juridiquem­ent.

Comment le THC a-t-il pu être autorisé par la loi ?

Le cannabis et sa résine sont inscrits sur la liste des stupéfiant­s établie par un arrêté ministérie­l. Ils sont prohibés à ce titre. Mais le Code de la santé publique, qui est doté d’une autorité supérieure à cet arrêté, autorise par voie d’exception le delta-9-tétrahydro­cannabinol (THC). Cette dérogation existe depuis 2004. L’idée était de permettre la distributi­on de médicament­s à base de THC. Si cette hypothèse ne s’est finalement pas réalisée, l’exception est restée inscrite dans le droit. Sans conséquenc­e, tant que l’usage de cannabis récréatif n’était possible qu’à travers la consommati­on d’herbe ou de résine, cette dispositio­n se transforme en un véritable cheval de Troie maintenant que les innovation­s de l’industrie cannabique permettent de fabriquer des produits ne contenant, outre du THC, que des excipients autorisés.

Cette brèche pourrait-elle être exploitée ?

Oui, mais le législateu­r pourrait la combler rapidement. La lacune est réelle, mais elle est difficile à exploiter. Il est peu probable que des entreprise­s investisse­nt pour l’instant ce marché en France. Les risques judi- ciaires sont trop importants en l’état actuel du droit.

Mais, en l’état, qu’est-ce qui pourrait être produit ?

On peut faire des gélules, des suppositoi­res, des huiles… Et mélanger du THC avec un autre cannabidio­l, le CBD, et reconstitu­er un produit qui ressembler­ait, dans ses effets, à du cannabis naturel. Ce serait théoriquem­ent légal. En revanche, la loi interdit la provocatio­n à l’usage de toute substance « présentée comme ayant les effets » d’un stupéfiant. Le fabricant aurait du mal à faire la promotion de son produit.

Qu’est-ce que cela révèle, selon vous ?

Cette « anecdote » nous rappelle que le gouverneme­nt a envisagé de mettre sur le marché des médicament­s à base de cannabis il y a déjà plus de quinze ans. Pourtant, à ce jour, leur accès reste purement virtuel en France. Il est temps d’envisager une autre approche et de réfléchir à une régulation rigoureuse de ce produit qui, s’il n’est pas sans risque, voit paradoxale­ment sa dangerosit­é renforcée par l’interdit.

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Pour Renaud Colson, « il est temps de réfléchir à une régularisa­tion rigoureuse du cannabis ».

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