« L’uniforme ne permet pas plus d’égalité »
Pour l’historien Claude Lelièvre, la tenue unique ne garantit pas plus d’égalité
Le débat sur l’uniforme à l’école semble indémodable. Après Xavier Darcos en 2003 puis 2009, François Fillon en 2016, c’est au tour de JeanMichel Blanquer de s’exprimer sur le sujet. Invité à commenter l’initiative de la ville de Provins (Seine-etMarne), qui va expérimenter l’uniforme dans le public dès la Toussaint, le ministre de l’Education a jugé que « dans certains cas, ça peut être utile, mais ça ne peut marcher que s’il y a un certain consensus local ». L’historien de l’éducation Claude Lelièvre prévient qu’il n’est pas facile d’imposer une telle mesure et que la croyance en un vêtement égalitaire ne repose sur aucune réalité historique.
Peut-on vraiment parler d’un « retour » de l’uniforme ?
Sur ce sujet, il faut distinguer le privé du public. Dans le privé, il y a toujours eu des uniformes. Il s’agit souvent d’établissements huppés, qui veulent se distinguer des autres. Dans le public, il n’y a jamais eu de vêtement obligatoire. Ce qui existait, c’était un usage de blouses disparates pour se protéger des taches d’encre. Cela permettait de faire des économies sur le budget habillement.
Selon vous, l’uniforme permet-il plus d’« égalité », comme le laisse entendre Jean-Michel Blanquer ?
C’est absolument faux. Derrière cette
« Ce n’est pas parce qu’on est vêtu de la même manière que les différences sociales disparaissent. »
idée d’égalité, il y a en fait le rêve que l’uniforme va permettre de revenir à une école sanctuaire, qui échappe aux séductions du monde. Tout ça, c’est du mythe, et les mythes prospèrent quand on veut se rassurer, quand on veut se raccrocher à des éléments d’un passé pour se protéger des angoisses du temps présent. C’est un symptôme de maladie sociale. Et ce n’est pas l’uniforme qui va guérir cette maladie. Ce n’est pas parce qu’on est vêtu de la même manière que les différences sociales disparaissent.
Pourquoi le port de l’uniforme n’a-t-il jamais été imposé ?
Parce qu’au moment où il faut fran- chir le pas, il y a des difficultés nouvelles qui apparaissent. Quel type de vêtement choisit-on ? Est-ce le même pour les garçons et pour les filles ? Qui doit le payer ? Ne rien trancher permet de ne pas endosser la responsabilité d’imposer une mesure.